Pourquoi cibler les familles et les aidants : enjeux et spécificités

Sensibiliser les familles et les aidants n’est pas un enjeu marginal dans la communication en santé. Les proches représentent souvent le premier cercle d’influence et de soutien pour les personnes malades, âgées ou en situation de handicap. Selon l’INSEE, près de 11 millions de personnes en France jouent un rôle d’aidant, c’est-à-dire accompagnent régulièrement un proche en perte d’autonomie (source : Drees, Études et résultats, sept 2022). Il s’agit donc d’un public stratégique : bien informé, formé et soutenu, il améliore la qualité de vie des personnes accompagnées, fluidifie les parcours de soins et prévient l’isolement.

Mais les familles et aidants ont aussi des besoins, des peurs, des contraintes de temps et parfois une faible connaissance des dispositifs existants. Les messages qui leur sont destinés doivent donc s’adapter à ces réalités, éviter la culpabilisation, et accompagner sans surcharger. Informer sans effrayer, guider sans infantiliser, telle est l’équation.

Comprendre les attentes : écouter avant de communiquer

Sensibiliser, ce n’est pas seulement diffuser de l’information : c’est déclencher une action, modifier un comportement ou faire évoluer une perception. Or, chaque famille, chaque aidant, a un vécu propre, des croyances et des codes spécifiques. Voici quelques points de vigilance, issus des retours terrain de structures telles que France Alzheimer, l’AFM-Téléthon ou l’Association Française des Aidants :

  • La recherche de concret : Les aidants attendent des réponses précises à leurs besoins quotidiens (gestion des démarches, prise en charge, solutions de répit).
  • Le besoin de reconnaissance : Beaucoup d’aidants ne se reconnaissent pas dans ce terme ou se sentent invisibles. Les messages valorisants sont essentiels.
  • La crainte de la stigmatisation ou du jugement : Dire sa fatigue ou sa détresse n’est pas toujours facile. Utiliser un langage bienveillant et inclusif favorise la prise de parole.
  • La surcharge informationnelle : Entre internet, médias et professionnels, l'information est dense. Il importe de simplifier, prioriser, clarifier.

Avant de concevoir vos contenus, prenez le temps d’observer ce qui circule déjà, d’interroger les aidants via des questionnaires ou des groupes de discussion, et d’identifier leurs questions clés.

Les principes à retenir pour des messages qui portent

Quels messages privilégier pour toucher, informer et mobiliser familles et aidants ? Quelques principes transversaux se dégagent des études et des expériences terrain :

  • La clarté avant tout : Privilégier des messages courts, des phrases simples, éviter le jargon médical. Par exemple, on expliquera “un passage en HAD” plutôt que d’égrener les acronymes.
  • Des informations contextualisées : Illustrer par la vie quotidienne des proches. Exemple : “Comment aider un proche à mieux prendre ses médicaments le matin ?”
  • L’ouverture au dialogue : Créer des formulations qui invitent à l’échange (“Posez vos questions”, “Contactez-nous pour en parler”).
  • Valoriser l’expérience des aidants : Mettre en avant des témoignages pour donner envie de s’identifier.
  • Le droit à l’erreur, à la fatigue, au répit : Rassurer sur le fait qu’être aidant n’est pas toujours simple, que des soutiens existent, et que demander de l’aide n’est pas un échec.

Des exemples de messages adaptés : s’inspirer du terrain

Concrètement, à quoi peuvent ressembler ces messages ? Voici quelques exemples issus de campagnes efficaces, accompagnés de leur analyse :

  • Campagne “Aidant, et si on en parlait ?” (Association Française des Aidants) :
    • Message : “Reconnaître le rôle d’aidant, c’est se donner le droit d’être écouté, soutenu et informé.”
    • Pourquoi ça marche ? : Valorisation de l’aidant et invitation à s’identifier à ce rôle sans jugement.
  • Affichage dans les établissements Alzheimer :
    • Message : “Vous n’êtes pas seul(e) face à la maladie d’Alzheimer. Nous pouvons vous aider à chaque étape.”
    • Pourquoi ça marche ? : Réassurance, inclusion, pas de banalisation de la détresse : un message qui ouvre vers un accompagnement concret.
  • Bulletin mairie à destination des aidants (initiatives locales) :
    • Message : “Des solutions existent pour souffler : découvrez les accueils de jour dans votre commune.”
    • Pourquoi ça marche ? : Orientation immédiate vers des ressources locales, message positif autour du “droit au répit”.
  • Campagne web, France Parkinson :
    • Message : “Accompagner, c’est aussi prendre soin de soi.”
    • Pourquoi ça marche ? : Rappel de la nécessité d’auto-soin, lutte contre l’épuisement.

À retenir : privilégier des messages concrets, empathiques, et systématiquement tournés vers l’action (informer, orienter, soutenir…) : c’est la clé pour faire évoluer les pratiques.

Adapter les formats : maximiser l’impact selon les canaux

Le message ne fait pas tout : il doit aussi “tomber” au bon endroit, au bon moment. Selon la dernière étude Harris Interactive pour la Fondation April (2023), 61 % des aidants trouvent l’information qu’ils cherchent… mais après de longues recherches. L’accessibilité de l’information est donc aussi un enjeu de santé publique (source).

  • Supports numériques :
    • Articles courts, infographies, vidéos tutorielles postées sur les réseaux sociaux ou sur le site de la structure.
    • FAQ interactives ou forums de questions-réponses.
    • Newsletters à fréquence régulière, mettant en avant les ressources locales.
  • Supports physiques :
    • Affiches dans les hôpitaux, EHPAD, maisons de santé, pharmacies.
    • Guides papier remis lors des consultations ou à la mairie.
    • Réunions d’information en petits groupes, temps d’échanges avec professionnels et pairs.

Il est aussi judicieux de travailler la signalétique (visuels, pictogrammes) pour faciliter la compréhension : la littératie en santé reste un défi, 40 % des Français déclarant avoir du mal à comprendre l’information médicale selon Santé publique France (source).

Co-construire les messages : associer les familles, impliquer les aidants

Pour que la parole “porte”, il ne suffit pas de parler “à” ou “pour”, mais bien “avec”. Impliquer les aidants dans l’élaboration des messages est une bonne pratique qui se développe en France : focus group, ateliers de création, lectures-test de brochures… Cette co-construction permet de :

  1. Éviter les formulations maladroites ou peu lisibles.
  2. S’assurer que les messages font écho aux préoccupations pointées sur le terrain.
  3. Développer un sentiment d’appartenance et valoriser la figure de l’aidant.

Côté outils, des dispositifs comme le “club aidants” (France Parkinson) ou les “cafés des aidants” proposent déjà des retours d’expérience sur la clarté des messages et sur l’accueil des initiatives de communication (voir : franceparkinson.fr).

Pistes concrètes pour une communication inclusive et accessible

Quelques leviers à mettre en œuvre, issus du terrain et des recommandations d’agences telles que la Haute Autorité de Santé (HAS) ou Santé Publique France :

  • Privilégier le “vous” et le tutoiement si la communauté l’accepte, pour plus de proximité.
  • Relire systématiquement vos messages avec un petit groupe d’aidants ou de familles avant diffusion.
  • Éviter d’employer de termes réducteurs ou normatifs (“dépendant”, “fardeau”, “sacrifice d’aidant”).
  • Ajouter dès que possible des témoignages ou des citations de pairs (textes, audios ou vidéos).
  • Mettre à disposition un canal de retour : ligne téléphonique, formulaire, mail.
  • Utiliser la traduction ou la médiation pour toucher les familles éloignées du français ou de l’écrit.

Outils et ressources utiles pour aller plus loin

Pour enrichir vos pratiques, quelques ressources à consulter :

  • Le guide “Communiquer auprès des aidants” (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie – CNSA) : Consulter le guide.
  • Les fiches pratiques de l’Association Française des Aidants : aidants.fr.
  • L’offre de formation et d’animation de Santé Publique France sur la littératie en santé : santepubliquefrance.fr.
  • Les campagnes de la Fondation April sur la reconnaissance des aidants : fondation-april.org.

Vers une communication à l’écoute des réalités des aidants

Sensibiliser familles et aidants, c’est faire le choix d’une communication humaine, respectueuse et active. Il s’agit de s’inspirer du quotidien, de co-construire des messages vraiment adaptés, et de soutenir celles et ceux qui, dans l’ombre, sont des maillons essentiels de la chaîne du soin. Investir ce sujet, ce n’est pas “ajouter une ligne” au plan de com’ : c’est ouvrir la porte à une meilleure santé pour tous.

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