Pourquoi adapter sa communication santé pour les publics fragiles ?

La communication associative en santé ne peut être universelle : face aux personnes âgées et aux publics fragiles, adapter ses messages, ses outils et ses canaux est indispensable. Ces groupes, qui représentent une part significative de la population française — en 2023, 21,3 % des Français avaient plus de 65 ans selon l’INSEE —, sont souvent confrontés à des fragilités spécifiques : isolement, dépendance, handicap, ou précarité sociale. Pourtant, 25 % des seniors déclarent manquer d’informations fiables sur leur santé (Baromètre santé 2022, Santé publique France). Or, mal ou non informés, ils s’exposent à des risques évitables : mauvaise observance des traitements, retards de diagnostic, isolement croissant. Adapter la communication, c'est donc agir sur la qualité de vie et l'autonomie.

Comprendre les besoins et les freins spécifiques

Adapter la communication pour ces publics, c’est d’abord comprendre leurs réalités :

  • Fragilités cognitives : 1,2 million de Français vivent avec une maladie d’Alzheimer ou apparentée (France Alzheimer, 2023). Les troubles de la mémoire, de l’attention ou du langage compliquent la réception des messages classiques.
  • Déficiences sensorielles : 65 % des plus de 75 ans souffrent d’une déficience visuelle ou auditive (DREES, 2021).
  • Manque de maîtrise numérique : Seulement 12 % des 75 ans et plus utilisent Internet au moins une fois par semaine (Arcep, 2023).
  • Peur du jugement ou défiance envers les institutions : Les publics précaires ou isolés expriment souvent une méfiance accrue face aux institutions de santé (Restos du Cœur, rapport 2022).

Ces éléments appellent une stratégie spécifique : personnalisation, humanisation, pédagogie adaptée.

Choisir les bons canaux : contact humain avant tout

Si la communication digitale s’impose pour nombre d’associations, elle atteint mal les personnes âgées ou fragiles. Privilégier les canaux humains et de proximité s’avère ainsi crucial.

Quels canaux sont les plus efficaces ?

  • Le contact direct (ateliers, permanences, réunions) : 42 % des plus de 70 ans plébiscitent l’échange en face-à-face pour recevoir des informations santé (Observatoire Cegedim, 2022).
  • Le téléphone : outil rassurant, il reste le canal privilégié pour de nombreuses personnes âgées, surtout dans le suivi (avis partagé par 68 % des seniors, Étude Union nationale des associations familiales, 2021).
  • La presse locale, les radios, les bulletins communaux : ces supports traditionnels touchent largement les 60+ ans, en particulier en milieu rural.
  • Les supports papier adaptés : brochures, courriers personnalisés, affiches grands formats et couleurs contrastées.

En complément, il reste pertinent de proposer une présence numérique modérée : mails, sites accessibles, adaptés à l’entourage et aux aidants, souvent relais d’information décisifs.

Pédagogie et simplification : des messages vraiment clairs

La compréhension de l’information médicale reste un défi : 49 % des 60-75 ans disent avoir déjà rencontré une difficulté pour comprendre un document de santé (Baromètre santé 2022, SPF). Quelques principes éprouvés améliorent nettement la transmission du message :

  • Simplifier le vocabulaire : bannir le jargon médical, privilégier des phrases courtes, simples ("prendre vos médicaments chaque matin" vs. "observer une posologie quotidienne matinale").
  • Alléger la densité d’informations : limiter à 3-4 messages clés par outil.
  • Utiliser des images et pictogrammes : compréhension facilitée, mémorisation accrue — 80 % de l’information visuelle est retenue contre 20 % pour un texte seul (American Management Association, 2019).
  • Reformuler pour vérifier la compréhension : inviter à répéter ce qui a été compris ou compiler une synthèse commune.

Astuce : tester vos documents auprès de membres du public cible (focus-group, micro-trottoir) permet d’affiner le ton et la forme.

Accessibilité des supports : rendre sa communication universelle

Un support adapté à tous implique une démarche d’accessibilité. Quelques éléments incontournables :

  • Taille de police : minimum 14 ou 16 pt sur papier ; titres bien visibles ; contraste fort.
  • Diagrammes et illustrations : simples, évocateurs, sans surcharge.
  • Langage facile à lire et à comprendre (« FALC ») : méthode reconnue pour les personnes en situation de handicap mental ou de faible littératie (association Unapei ; ressources inclusif.fr/falc/).
  • Audio et vidéo sous-titrés pour les déficiences auditives ; version audio pour les malvoyants (voir recommandations du RGAA, Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations).

94 % des personnes âgées utilisent quotidiennement au moins une paire de lunettes (Ipsos pour Krys Group, 2021). Soignez donc l’ergonomie visuelle !

Co-construction et participation : l’efficacité du "par et pour"

L’implication active des publics cibles dans la conception des actions de communication s’avère payante : elle favorise l’adhésion, augmente la pertinence des messages, et valorise la parole des personnes âgées ou fragiles.

  • Groupes de discussion et ateliers participatifs : faire relire, discuter, adapter les supports avec un panel de seniors ou de personnes en précarité.
  • Former des "ambassadeurs seniors" : des pairs formés à relayer les informations dans leurs réseaux.
  • Partenariats avec les aidants, professionnels sociaux, associations locales, pour toucher les plus isolés grâce au maillage de confiance existant.

Exemple marquant : Le programme "Atout Age" en Bretagne, piloté par la Carsat et les CCAS locaux, co-construit chaque année son calendrier d’actions prévention avec des groupes de retraités — ce qui double les taux de participation et d’adhésion (source : Carsat Bretagne, 2022).

Rendre la communication accessible : outils concrets et solutions éprouvées

  • Brosser des portraits-robots des publics visés (persona) pour anticiper les besoins spécifiques.
  • Déployer des actions "hors les murs" : aller vers, sur les lieux de vie (marchés, clubs seniors, épiceries sociales) : 80 % des seniors disent préférer recevoir l’information sur des lieux familiers (Ifop, 2019).
  • Privilégier la pédagogie par l’exemple : démonstrations "en vrai", jeux de rôle et cas concrets.
  • Utiliser le téléphone ou la visite à domicile pour les suivis personnalisés.
  • Traduire ou adapter en plusieurs langues lorsque le public le nécessite (ex : quartiers à forte présence de personnes âgées migrantes).
  • Solliciter les radios associatives : à Marseille, près de 35 % des plus de 75 ans déclarent écouter la radio locale chaque jour (INA-Baromètre 2022).

Évaluer et ajuster : mesurer l’impact auprès des publics fragilisés

Les besoins fluctuent, les attentes aussi. Mesurer l’efficacité d’une campagne auprès des seniors ou publics en difficulté doit s’appuyer sur des critères simples :

  1. Le nombre de personnes touchées (inscrits, participants, appels…)
  2. La compréhension des messages (sondages, quiz simples en atelier, réactions à chaud)
  3. L’évolution du recours aux actions/suivis (prise de rendez-vous, retour en atelier, appels reçus par l’asso…)
  4. Des retours qualitatifs : verbatims, témoignages, suggestions recueillies sur place

Astuce : Créer un “journal de bord” ou carnet de terrain partagé entre bénévoles, pour noter chaque semaine les obstacles rencontrés. Cela permet d’ajuster les supports ou le ton rapidement.

Chiffres-clés et bonnes pratiques à retenir

  • En France, 11,6 millions de personnes ont plus de 65 ans, et 2,9 millions vivent sous le seuil de pauvreté (INSEE, 2023).
  • Près d’1 senior sur 2 (47 %) se sent parfois pas compris dans ses échanges avec les professionnels de santé (Caisse Nationale d’Assurance Maladie, 2022).
  • 58 % des aidants familiaux jouent un rôle-clé pour transmettre/comprendre l’information santé destinée à la personne fragile (Baromètre Fondation April 2021).
  • Toute démarche de simplification (adaptation langue, image, format, co-création) augmente de plus de 30 % l’efficacité perçue des actions de prévention ciblant les plus de 70 ans (source : étude EuroHealthNet 2020).

Perspectives : rendre la communication santé réellement inclusive

Adapter la communication associative santé aux personnes âgées et aux publics fragiles, ce n’est pas compliquer ses pratiques, mais les rendre plus humaines, inclusives et efficaces. Derrière chaque message, il existe une possibilité d’autonomie, de lien, et parfois, une prévention majeure. S’appuyer sur la parole des personnes concernées, inscrire ses messages dans des canaux de confiance et, surtout, partir du quotidien réel, offre la clé d’une communication qui ne laisse personne de côté. Ressources Communication Santé propose des outils pratiques, des exemples partagés et des retours d’expérience pour avancer collectivement vers une diffusion de l’information santé plus juste, accessible et adaptée à chacune et chacun.

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