Comprendre qui l’on souhaite toucher : l’origine d’un enjeu clé

En France, le paysage associatif santé regroupe une diversité d’acteurs : de la petite association de patients à la fédération nationale, chacun partage la volonté d’améliorer la santé individuelle et collective. Pourtant, face à la complexité des enjeux et à la multiplicité des actions, une question fondamentale se pose avant toute démarche de communication : pour qui communique-t-on vraiment ?

Dans la sphère associative, l’identification minutieuse de ses publics va bien au-delà d’une simple formalité. Elle conditionne la pertinence du message, l’efficacité des actions, la mobilisation des ressources… et, in fine, l’impact sur la santé. Ce constat est d’autant plus crucial à l’heure où la confiance dans l’information santé oscille : seulement 54% des Français déclarent avoir confiance dans les messages santé transmis par des institutions publiques ou des médias (Baromètre Santé Publique France, 2023). Dès lors, la question « à qui parle-t-on ? » devient la première étape pour instaurer un dialogue crédible.

Pourquoi une identification fine des publics change la donne

1. Éviter le « brouillard» communicationnel

  • Envoyer la même information à tout le monde est l’un des écueils les plus fréquents. Un message non ciblé finit souvent par ne toucher pertinemment… personne.
  • Selon le rapport de la HAS « Promotion de la santé : quelle communication efficace ? » (2021), les campagnes qui personnalisent leurs publics réalisent un taux de mémorisation des messages en hausse de 32% par rapport aux démarches généralistes.

2. S’adapter aux besoins, aux contextes et aux codes

  • Le rapport à la santé varie : prévenir, accompagner, sensibiliser, agir sur l’environnement, lever des tabous… Chaque public a son propre niveau de connaissance, ses contraintes, ses représentations.
  • La segmentation culturelle, générationnelle, territoriale ou expérientielle s’impose : un adolescent n’aura pas les mêmes besoins qu’un aidant familial ou une personne vivant en situation de précarité.
  • L’INSEE rappelle que 22% de la population vit en zone rurale, avec des usages du numérique et un accès à la prévention différents de ceux en zone urbaine.

3. Mieux mobiliser et fidéliser ses communautés

  • En adaptant le contenu, le canal et la temporalité du message, l’association initie une relation vivante avec ses publics : engagement, sentiment d’appartenance, confiance.
  • L’association ELLA a ainsi multiplié par 5 la participation à ses actions en segmentant ses relances selon l’âge et les préoccupations des familles touchées.

Décrypter les publics des associations santé en France : une diversité souvent sous-estimée

On a trop souvent tendance à imaginer « le » public comme une entité homogène. En réalité, pour une structure associative, les publics sont pluriels, parfois imbriqués, évolutifs. Mieux les cerner, c’est poser les fondements d’un message qui « fait mouche ».

Cartographier pour ne pas oublier d’acteurs clés

  • Usagers / bénéficiaires directs : patients, proches, public cible (ex : enfants, seniors, migrants…)
  • Partenaires institutionnels : ARS, collectivités, organismes de protection sociale…
  • Professionnels de santé : soignants, enseignants, psychologues…
  • Adhérents, bénévoles, salariés
  • Médias : presse locale, web, influenceurs santé
  • Grand public
  • Décideurs, financeurs

Ce mapping est une étape stratégique : une campagne réussie se pense souvent en « couches » : informer le grand public, outiller les relais professionnels, fidéliser la communauté existante…

Illustration concrète : une campagne sur le dépistage

  • Les publics primaires : personnes concernées par l’âge cible du dépistage.
  • Les publics relais : médecins, pharmaciens, associations partenaires.
  • Les publics influenceurs : médias, élus locaux (notamment pour porter la voix de la prévention en zone rurale).

À chaque public, des supports, arguments et canaux adaptés : spot radio local, affiche en salle d’attente, Facebook, animation en pharmacie…

Connaître ses publics : quels outils et méthodes utiliser ?

L’observation et l’écoute active : deux alliés incontournables

Focus group, questionnaires, ateliers…

  • Prendre le temps de dialoguer avec des représentants des publics cibles : comprendre leurs attentes, leurs freins, leurs idées reçues.
  • 80% des associations santé qui adoptent une démarche participative voient une hausse de l’engagement à leurs actions (Baromètre Associations et communication, IFFRES, 2022).

Quelques outils à la portée de toutes les structures

  • Persona / profils-types : formaliser sous forme de fiches synthétiques les caractéristiques de publics représentatifs (âge, besoins, comportement, canaux préférés…).
  • Empathy map (carte d’empathie) : outil visuel qui permet de se mettre à la place d’un public, en listant ce qu’il voit, entend, pense, ressent dans son environnement.
  • Analyse des données numériques : les statistiques des réseaux sociaux, site web ou newsletters fournissent de précieuses indications sur les habitudes de la communauté.
  • Travail interassociatif : Partager et croiser les retours d’expérience avec d’autres structures travaillant sur des publics comparables.
  • Entretiens individuels ciblés : Courts échanges qualitatifs – parfois plus riches qu’un long questionnaire.

Adapter ses messages : quelques exemples concrets d’impact

Pourquoi l’adaptation paye ?

  • Une campagne de sensibilisation au VIH conçue en collaboration avec de jeunes influents sur TikTok a atteint 300 000 personnes en six semaines, soit 15 fois le nombre d’interactions initialement estimé (sources : Santé Publique France, 2023).
  • Une association de lutte contre la précarité alimentaire a repensé ses messages pour intégrer davantage de pictogrammes et de vidéos simples : la fréquentation de ses points d’écoute a augmenté de 45% chez les personnes maîtrisant mal le français (Etude Croix-Rouge, 2022).
  • Pour la promotion du dépistage du cancer colorectal, l’INCa a observé que les campagnes personnalisées pour les hommes de plus de 55 ans issus de zones périurbaines obtenaient un taux de participation 2,2 fois supérieur à celui des campagnes généralistes.

Écarts de perception : éviter les malentendus et renforcer la confiance

Dans la santé, la question du public n’est jamais neutre. Un message considéré comme « moralisateur » par certains, ou « trop technique » pour d’autres, peut freiner l’appropriation voire susciter du rejet. Les associations doivent souvent jongler avec des enjeux de littératie en santé : en France, près d’1 adulte sur 5 rencontre des difficultés de compréhension face à l’information santé (OCDE, 2023).

Adapter langage et supports

  • En santé mentale, la co-construction avec les usagers a permis de passer d’une brochure institutionnelle à une série de podcasts « par et pour les pairs », libérant la parole et brisant la stigmatisation (France Assos Santé, 2023).
  • Les traductions dans plusieurs langues et l’utilisation du « facile à lire et à comprendre (FALC) » se sont imposées comme de nouveaux standards dans l’accès à la prévention pour les publics en situation de handicap ou de migration.

Identifier ses publics : une démarche continue, pas un exercice ponctuel

Les besoins évoluent vite : mutations sociales, numériques, émergence de nouveaux enjeux (santé environnementale, santé numérique…). D’où l’intérêt de revoir et d’actualiser régulièrement sa cartographie des publics.

  • Instaurer un bilan annuel de vos actions pour ajuster le ciblage.
  • Capitaliser sur le retour d’expérience : quand une campagne fonctionne ou rencontre un échec, il faut systématiquement s’interroger : « Qui avons-nous réellement touché, et pourquoi ? »
  • Ouvrir la porte aux publics eux-mêmes : les faire participer à l’élaboration ou à l’évaluation de la communication.

C’est dans cette dynamique que nombre d’associations se forment aujourd’hui au design de services ou à la facilitation participative.

S’inspirer pour aller plus loin : pistes et ressources

A retenir : identifier précisément ses publics, c’est donner une voix juste au sein de la cacophonie de l’information santé ; c’est permettre à chaque message de porter là où il compte. C’est aussi la clé pour rendre la communication associative à la fois plus humaine, plus efficace et plus crédible. Un enjeu collectif, ouvert à l’intelligence de tous.

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