Pourquoi cibler et segmenter : enjeux spécifiques du secteur santé et médico-social

Le secteur santé-médico-social regroupe une grande diversité d’acteurs : associations d’usagers, structures accompagnant personnes âgées ou en situation de handicap, réseaux de prévention, collectifs de soignants, etc. Tous partagent le même défi : faire passer des messages adaptés dans un environnement parfois saturé d’informations ou marqué par une certaine défiance.

  • Adapter son langage et ses canaux : Selon Santé Publique France, les campagnes de prévention générale touchent de moins en moins les publics précaires ou éloignés du soin (Santé Publique France, 2023). Segmenter permet d’éviter les « angles morts » de la communication.
  • Optimiser les ressources : 70 % des associations santé fonctionnent avec moins de 10 salariés et un budget limité (Baromètre France Bénévolat, 2022). Mieux cibler = moins de gaspillage d’énergie.
  • Favoriser l’engagement : Une communication adressée personnellement génère un taux de réponse 4 fois supérieur à une communication de masse (Source : WeAreCOM).
  • Renforcer la confiance : Une parole qui se sent « adressée » encourage la relation, la participation, voire la co-construction.

Étape 1 : Définir sa cible principale et ses publics secondaires

Cible, public, persona : ces termes sont parfois employés indifféremment. Mais pour agir efficacement, il est utile de bien les distinguer.

  • La cible principale : Le public prioritaire que l’association veut toucher (bénéficiaires, aidants, familles, professionnels de santé, décideurs, grand public...).
  • Les publics secondaires : Ceux qui peuvent jouer un rôle dans la diffusion du message ou dans l’atteinte des objectifs (partenaires, financeurs, relais institutionnels, médias, élus, bénévoles, etc.).

Exemple : une association de prévention du diabète souhaite sensibiliser les jeunes adultes (cible principale), mais elle va aussi s’adresser aux médias locaux, aux pharmaciens ou aux municipalités (publics secondaires).

Petit conseil terrain : Trop souvent, on reste flou (« grand public », « tout acteur du quartier »). Osez préciser : tranche d’âge, profession, situation, problématique vécue, habitudes, valeurs, difficultés spécifiques...

Étape 2 : S’appuyer sur la connaissance de terrain et des données fiables

La définition des cibles ne se décrète pas, elle se construit ! Un des pièges est de s’appuyer uniquement sur l’intuition ou le vécu (qui restent importants), plutôt que de confronter ces perceptions à la réalité du terrain.

  1. Écouter ses publics : Entretiens, questionnaires, retours lors d’ateliers ou de consultations, analyse des demandes reçues... Les outils ne manquent pas, même avec peu de moyens. Exemple : une association d’aide aux aidants peut organiser un mini-sondage lors de ses permanences.
  2. Exploiter les données disponibles : Baromètres publics (INSEE, Santé Publique France, Observatoire des inégalités...), études régionales, statistiques internes (site web, newsletters, réseaux sociaux).
  3. Croiser les regards : Solliciter les équipes salariées, bénévoles, partenaires de terrain… Chacun a une vision (complémentaire) de la réalité.

Astuce : Le Réseau français des Villes-Santé de l’OMS propose des méthodologies très accessibles pour recueillir et analyser les besoins des populations locales (villes-sante.com).

Étape 3 : Segmenter concrètement ses publics

La segmentation permet de décomposer sa cible globale en sous-groupes homogènes, sur la base de critères précis. Cela facilite la création de messages, d’actions ou d’outils adaptés à chaque segment.

Quels critères utiliser ?

  • Socio-démographiques : Âge, genre, niveau de diplôme, statut socio-économique, lieu de vie...
    • Ex : Segmenter les adolescents, jeunes actifs, seniors.
  • Comportementaux : Habitudes de vie, niveau d’exposition à un risque, participation à des activités antérieures, canaux médiatiques préférés.
    • Ex : Usagers réguliers d’un service, personnes non connectées aux réseaux sociaux, parents accompagnateurs...
  • Attitudinaux ou psychographiques : Motivations, freins, valeurs, perception de la santé, relation aux institutions, type d’engagement.
    • Ex : Publics « préventifs », publics « méfiants », acteurs moteurs, etc.

Point-clé : Adapter ses critères à la finalité de l’action : on ne segmente pas pareil pour une campagne nationale, un atelier local ou une consultation individuelle.

Quelques outils pratiques de segmentation

  • Le persona : Dessiner un portrait fictif (mais réaliste) du public-cible pour mieux s’adresser à lui. Exemple : « Nathalie, 37 ans, mère célibataire, assistante maternelle, se plaint de douleurs dorsales, préfère WhatsApp pour échanger ».
  • La cartographie des parties prenantes : Un schéma pour visualiser, par catégories, tous les groupes concernés de près ou de loin par le projet ou l’action (voir le guide COMSANTE).
  • Les matrices d’impact/influence : Classer les publics selon leur importance pour le projet (fort/moins fort impact, niveau d’implication désiré, relation de confiance…).

Exemple concret : Pour une campagne de vaccination, la segmentation a permis à l’Assurance Maladie d'envoyer des relances personnalisées à des milliers de personnes à risque ; le taux de couverture vaccinale a progressé de 8 % chez les plus de 65 ans en 2022 (source : Cnam).

Étape 4 : Adapter ses canaux et messages à chaque segment

La force de la segmentation, c’est de pouvoir jouer sur tous les leviers de la communication : le fond, la forme, les relais et le timing.

  • Le choix du canal : Radio associative, WhatsApp, rencontres de proximité, flyer dans une salle d’attente, vidéo sur TikTok, messagerie sécurisée, réunions institutionnelles… chaque segment a ses préférences.
  • L’adaptation du message : Vocabulaire, ton, visuels, complexité des informations... Il n’est jamais trop « basique » de reformuler : selon l’ANLCI, 16 % des adultes en France sont en situation d’illettrisme ou d’illectronisme (ANLCI, 2023).
  • La mobilisation de relais : Impliquer des pairs, des bénévoles ou des référents locaux pour toucher des publics éloignés ou invisibles aux canaux classiques (étudiants en santé, leaders d’opinion, groupes communautaires...).

Le saviez-vous ? Une campagne santé en France pilotée par la Croix-Rouge a montré qu’utiliser la radio locale et le porte-à-porte permettait d’atteindre 30 % de publics qui n’avaient jamais été sensibilisés par d’autres canaux (Croix-Rouge Française, 2022).

Segmenter en pratiques : exemples inspirants et retours de terrain

Quelques exemples de segmentation réussie, glanés sur le terrain ou cités par la littérature professionnelle :

  • Une association qui accompagne des personnes atteintes de VIH a créé trois newsletters distinctes : usagers, partenaires associatifs, médecins. Le taux d’ouverture varie du simple (28 %) au double (61 %), montrant l’intérêt d’adresser des messages différenciés.
  • Un centre médico-social du Pas-de-Calais, voulant sensibiliser sur les dangers des écrans, a isolé trois segments : les parents d’enfants de moins de 6 ans, les enseignants du primaire, les animateurs de centres de loisirs. Cela a permis de co-construire des supports spécifiques et d’augmenter de 50 % la participation aux actions en 2023 (source : Conseil départemental du Pas-de-Calais).
  • Un collectif d’aide aux aidants a mené un diagnostic de terrain révélant que 40 % des familles ne consultaient jamais les mails ; des permanences téléphoniques adaptées et des courriers postaux ont ainsi été développés.
  • Le CHU de Strasbourg, pour sa campagne sur le don d’organes, a segmenté selon la langue : la distribution de flyers en arabe et en turc dans certains quartiers a permis de doubler la fréquentation à certaines réunions d’information (Source : Agence de la biomédecine).

À retenir : Même sans gros budgets, quelques questions bien posées, des données locales et une bonne dose de créativité permettent souvent une segmentation efficace. Le maître-mot : rester à l’écoute, tester, ajuster.

Outils, ressources et formation : pour aller plus loin

Rendre la communication santé plus juste et inclusive grâce à la segmentation

Segmenter et cibler ne signifient pas exclure, mais permettre à chacun d’être entendu, compris et valorisé. Pour les associations et structures médico-sociales en France, c’est un levier indispensable d’efficacité, d’inclusion et de confiance – et un moyen de montrer l’attention portée à la diversité des situations vécues. Derrière chaque segment, il y a une histoire, des besoins spécifiques et un potentiel d’engagement souvent insoupçonné. La communication santé se réinvente en multipliant ces passerelles : à chacun de trouver les siennes !

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