Communication associative en santé : pourquoi un enjeu crucial ?

L’environnement de la santé en France se transforme profondément, tiraillé entre exigences réglementaires, explosion de l’information, montée des enjeux sociétaux, changements démographiques et attentes grandissantes des usagers. Dans ce contexte, la communication dans le secteur associatif et médico-social n’est pas une option, mais bien un moteur essentiel pour porter les valeurs, décloisonner les savoirs et accompagner les publics les plus fragilisés.

D’après une étude récente de la Fédération des acteurs de la solidarité, 83 % des associations de santé considèrent la communication comme une priorité stratégique en 2023, une progression de près de 20 % en cinq ans (source : Baromètre communication associative 2023). Plusieurs facteurs l’expliquent :

  • Émergence des fake news : 61 % des Français reconnaissent avoir été exposés à des infox en santé en 2022 (source : Odoxa).
  • Nécessité de visibiliser les actions : alors que 46 % des associations santé disent peiner à se faire connaître localement (source : Recherches & Solidarités).
  • Transformation numérique rapide : les usages et attentes changent, obligeant à repenser les pratiques.

La communication, c’est plus que de la diffusion : c’est faire entendre les besoins, décloisonner les parcours, mobiliser les bénévoles, rassurer, valoriser et co-construire avec les usagers. Une bonne communication participe à l’accès aux droits et à la lutte contre l’isolement, facteurs de santé majeurs.

Stratégie de communication en établissement de santé : pour quels objectifs ?

Définir une stratégie de communication structurante, c’est avancer avec clarté sur ses objectifs, et adapter ses outils, son discours et ses supports. Les objectifs varient selon la mission de chaque structure, mais plusieurs constantes se dessinent :

  • Faire connaître l’offre de services, auprès des habitants, des prescripteurs (médecins, travailleurs sociaux), de potentiels bénévoles ou soutiens financiers.
  • Renforcer l’image de la structure, en la positionnant comme un acteur clé, crédible et engagé, élément essentiel pour la confiance du public.
  • Aider à la mobilisation interne, en donnant du sens aux projets, en impliquant les salariés et bénévoles (qui sont parfois éloignés de la décision).
  • Sensibiliser et prévenir, pour toucher les publics-cibles sur les thématiques santé (alimentation, addictions, vaccinations, santé mentale…)
  • Faciliter la coordination, en favorisant l’échange inter-acteurs : établissements, associations, institutions, usagers (logique de parcours).

Chaque objectif nécessite des approches et des outils différents : la mise en récit (ou “storytelling”) d’un projet pour inspirer, la production de contenu expert pour rassurer, ou le recours à des formats courts, visuels, pour passer des messages de prévention adaptés.

Prévention & éducation à la santé : la communication, outil pivot des associations

La France investit régulièrement dans des campagnes nationales de prévention (tabac, VIH, nutrition etc.), mais l’action de terrain est souvent portée par les associations. Pourquoi ? Parce qu’elles savent se rapprocher des publics, adapter leur discours, et utiliser des relais locaux puissants (écoles, centres sociaux…).

Prenons l’exemple de la Ligue contre le cancer, qui a déployé plus de 10 000 actions de prévention locales en 2022 — de l’atelier cuisine à la sensibilisation sur les lieux de vie. Leur impact repose souvent sur une communication coordonnée : affiches adaptées, témoignages vidéo, interventions interactives, supports multilingues.

  • La communication favorise le changement de comportement, en outillant les publics et en luttant contre les fausses croyances (ex : tabac, sexualité, vaccination).
  • Elle valorise la pair-aidance, démarche dans laquelle les témoignages d’usagers touchent davantage les personnes concernées.
  • Elle soutient l’empowerment : permettre aux usagers de décrypter les messages santé et de devenir acteurs de leurs parcours.

D’après Santé publique France, chaque euro investi dans la prévention permet d'économiser jusqu'à 16 euros en dépenses de santé (source : Évaluation d’impact économique, 2019). Mais ces bénéfices ne sont atteignables que via une communication ciblée, lisible et adaptée, sans quoi les messages restent lettre morte.

Communiquer auprès des publics fragiles : enjeux et pratiques spécifiques

On ne s’adresse pas à une personne isolée, en situation de handicap ou précarisée comme à un public déjà averti. Or, 12 millions de personnes en France rencontrent au moins une fragilité reconnue (personnes âgées, handicap, précarité…) (source : Drees). Adapter la communication, c’est une question d’équité et d’accès au droit.

  • Simplicité et lisibilité : des messages courts, langage courant, visuels explicatifs. 28 % des Français ont des difficultés avec l’écrit (source : Programme PIAAC, OCDE).
  • Accessibilité physique et digitale : audio, vidéo, sous-titrage, supports en braille ou facile à lire et à comprendre (FALC).
  • Approches “aller vers” : se déplacer là où sont les publics (centres sociaux, CHRS, lieux informels, foyers). Ex : les bus Info Santé en Ile-de-France.
  • Co-construction avec les publics : tests d’outils, implication dans la création d’affiches ou vidéos pour garantir la pertinence des messages.

Plus les messages sont adaptés, plus ils participent à la lutte contre le non-recours et l’isolement, deux facteurs majeurs d’aggravation des inégalités de santé selon l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore).

Éthique et déontologie : fondations de la communication associative santé

La communication associative santé est soumise à des règles strictes, et plus encore à un devoir d’exemplarité : pas de communication sans éthique !

  • Confidentialité et respect de la vie privée : la mention du RGPD (Règlement général sur la protection des données) s’impose, notamment pour la gestion d’images, de témoignages ou de listes de diffusion.
  • Véracité et transparence : chaque message, chaque chiffre avancé doit pouvoir être sourcé et vérifié, notamment dans le champ de la prévention ou de la promotion de la santé.
  • Inclusivité et non-stigmatisation : veiller à ne discriminer aucun public, ni par le vocabulaire employé, ni par les images retenues.
  • Respect du secret professionnel : en particulier si la structure accueille des usagers en situation de vulnérabilité.

L’éthique doit guider chaque prise de parole. L’ARS Ile-de-France, dans ses référentiels, insiste sur la vigilance : “Ne pas surestimer l’efficacité d’une action, ne pas minimiser les risques, ne pas culpabiliser les publics” (source : ARS IdF 2022).

Dangers à éviter dans la communication associative santé : points de vigilance

Quelques pièges fréquemment rencontrés chez les acteurs associatifs et médico-sociaux :

  • Le recours excessif au jargon (acronymes, termes médicaux) qui exclut une partie du public.
  • La tentation du tout-numérique sans tenir compte des fractures numériques : 13 millions de Français restaient en difficulté numérique en 2022 (source : INSEE).
  • L’oubli d’évaluer l’impact des actions menées : sans retour, difficile d’ajuster les messages ou les supports.
  • Le manque de concertation entre directions, équipes de terrain et usagers, qui génère des communications déconnectées des réalités vécues.
  • L’adoption aveugle de modèles de communication “marchands” peu adaptés à des enjeux d’utilité sociale et d’accompagnement.

Prendre le temps d’observer, questionner et tester ses messages auprès des publics concernés est un réflexe à installer. Le “test utilisateur”, même réalisé à petite échelle, est souvent plus instructif qu’un long rapport de communication.

Selon les structures : quelles différences dans la communication santé associative ?

Les pratiques de communication varient considérablement entre une petite association locale et une grande structure nationale, un foyer pour personnes âgées et une association de lutte contre l’addiction.

  • Associations locales : actions très “terrain”, communication en proximité (flyers, partenariats locaux, relation presse locale), budgets limités donc grande créativité.
  • Structures nationales ou fédérations : campagne multi-supports, recours au digital-média, nécessité de cohérence nationale tout en adaptant les déclinaisons locales.
  • Structures médico-sociales : priorité à l’information des familles, à la communication interne, au respect protocolaire et à une logique de projet personnalisé.
  • Groupes de pair-aidance : valorisation de l’expérience vécue, témoignages, supports conçus “par et pour” les usagers concernés.

Cette diversité impose une agilité et une adaptation permanente des outils et des modes de prise de parole. Ce qui fonctionne dans un foyer de jeunes travailleurs ne fonctionne pas forcément pour une association d’accompagnement du grand âge.

Évaluer l’impact de la communication en santé associative : comment s’y prendre ?

Évaluer sa communication, ce n’est pas que mesurer des vues ou écrêter des “likes”. Plusieurs axes complémentaires sont aujourd’hui essentiels :

  • Recueillir des données qualitatives (retours d’usagers, focus groupes, entretiens).
  • Mesurer la progression de la compréhension des messages transmis (sondages “avant-après”, quiz).
  • Analyser la participation ou le taux de recours à une action, un service ou une consultation.
  • Observer la mobilisation interne (engagement des bénévoles, dynamique de projet, climat d’équipe).

Des outils gratuits comme Google Forms, Framaforms, ou CiviCRM facilitent cette évaluation en recueillant avis, suggestions et remontées du terrain. Plusieurs associations, comme Siel Bleu ou la Croix-Rouge française, publient chaque année un rapport d’impact détaillé sur l’effet concret de leur communication, bien au-delà des comptes-rendus d’activité classiques.

La lutte contre la désinformation : un défi contemporain pour les associations santé

2023 aura été une année noire pour la désinformation en santé : entre la multiplication des fake news (sur les vaccins, les traitements, le COVID…) et l’influence des groupes de pression, les associations se retrouvent en première ligne pour défendre la fiabilité de l’information.

Un chiffre : 41 % des jeunes de 18-24 ans peinent à distinguer une fausse d’une vraie information santé sur internet (source : Baromètre de la santé numérique, 2023).

  • Démonter les infox : agir vite lorsqu’une fausse information circule (ex : campagnes de “fact-checking” par l’Inserm, la FHF ou France Assos Santé).
  • S’associer à des portails fiables : Santé.fr, ameli.fr ou le site de la HAS, pour relayer des messages sourcés.
  • Former les bénévoles et les usagers à la lecture critique de l’information : ateliers, vidéos pédagogiques, “kits anti-infox” diffusés dans les structures.
  • Privilégier la transparence sur les sources, la méthodologie et les limites des informations partagées.

L’enjeu ? Restaurer la confiance, éviter la propagation de rumeurs délétères, et aider chacun à construire sa propre littératie en santé, clé d’une citoyenneté active.

Perspectives et inspirations pour une communication santé associative forte

À l’heure où la santé devient un sujet de société quotidien, la communication des associations et structures médico-sociales doit évoluer sans perdre de vue ses fondamentaux : écoute, adaptation, respect, clarté, et, surtout, co-construction avec l’ensemble des parties prenantes. Loin du simple “faire savoir”, il s’agit d’être un levier d’empowerment, un acteur de prévention et un tisseur de liens.

L’inventivité des acteurs associatifs, leurs capacités de proximité et leur pouvoir de mobilisation font aujourd’hui la différence sur le terrain. Mutualiser les outils, s’inspirer des bonnes pratiques, oser expérimenter, mais toujours s’appuyer sur l’expertise des publics, sont autant de pistes pour renforcer une communication santé citoyenne, engagée et au service du bien commun.

Pour aller plus loin :

  • Guide “Agir pour une communication inclusive en santé” — Santé publique France
  • Baromètre communication associative — Recherches & Solidarités
  • Centre de ressources en littératie en santé — Université Grenoble Alpes
  • Dossier “Communication et éthique” — France Assos Santé

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