Manquer de clarté : l’enfer du jargon médical

C’est sans doute l’erreur la plus récurrente. Les métiers de la santé, du soin ou de la prévention regorgent d’acronymes, de termes techniques et de formulations complexes. Or, seuls 42 % des Français déclarent comprendre “facilement” les explications de leur médecin (Source : Baromètre Santé publique France, 2022). Cette fracture se retrouve aussi dans la communication institutionnelle ou associative.

  • Pourquoi c’est un problème ?
    • Les publics décrochent rapidement face à un vocabulaire trop technique.
    • Certains publics fragiles (personnes âgées, migrants, jeunes mineurs) décrochent plus vite.
    • L’incompréhension génère anxiété, défiance et mésusage de l’information.
  • Quelques pistes concrètes pour simplifier :
    • Bannir les acronymes non expliqués dès la première utilisation.
    • Adopter des tournures simples, aller droit au but, privilégier l’action plutôt que l’abstraction.
    • Faire relire vos supports par des personnes extérieures à votre secteur.
    • Recourir à des outils comme le guide d’aide à la littératie en santé – HAS.

Oublier l’écoute des publics et leurs attentes

Bien communiquer, ce n’est pas parler plus fort : c’est aussi (et surtout) écouter. Les démarches descendantes — où l’on informe, sans dialogue — dominent encore parfois. Or, les publics veulent désormais comprendre, donner leur avis et partager leurs expériences.

  • Risques :
    • Messages décalés ou incompris.
    • Difficultés à impliquer des usagers ou à mobiliser autour de nouvelles actions.
    • Tension ou méfiance, notamment sur des sujets sensibles (vaccination, santé mentale, droits des patients).
  • Outils pour intégrer l’écoute :
    • Questionnaires en ligne ou en salle d’attente.
    • Groupes de parole, forums citoyens, ateliers participatifs.
    • Sondages anonymes, enquêtes de satisfaction régulières.
    • Possibilité de feedback à chaque action diffusée.

Négliger l’accessibilité de ses supports

Près de 12 millions de personnes en France sont concernées par un handicap visuel, auditif, moteur ou cognitif (CNSA, 2023). De même, 16,5 % des adultes en France ont des difficultés pour lire et comprendre des textes simples (source : Insee). Pourtant, les textes trop longs, les flyers illisibles, les vidéos sans sous-titres sont légion.

  • Ces oublis pénalisent :
    • Les personnes en situation de handicap.
    • Les publics moins à l’aise avec les outils numériques.
    • Toutes et tous, lors de la fatigue, du stress ou d’une situation d’urgence.
  • Bonnes pratiques d’accessibilité :
    • Prévoir des contrastes suffisants, des caractères lisibles et des pictogrammes explicites.
    • Ajouter des sous-titres ou des transcriptions à toutes les vidéos et podcasts.
    • Utiliser des outils gratuits comme “le simulateur daltonien” ou des vérificateurs d’accessibilité web (par exemple, Google Accessibility Tools).
    • Former ses équipes à ces enjeux (des dispositifs existent via l’Agefiph ou la CNSA).

Communiquer “pour soi” et non “pour l’autre” : le syndrome institutionnel

L’autopromotion, les logos surdimensionnés, les vagues “Notre structure agit pour la qualité de soins”… Cette communication qui rassure (surtout l’institution) est largement répandue. Mais elle ne convainc ni les professionnels de santé ni le grand public.

Un exemple : selon l’étude “Santé, communication et confiance” (Harris Interactive, 2023), 68 % des Français estiment que les messages reçus des institutions publiques en santé sont trop éloignés de leurs besoins réels.

  • Quelques questions à se poser avant d’émettre un message :
    • A qui s’adresse-t-il vraiment ? (usager, professionnel, aidant, élu…)
    • Quels sont les “freins” du public cible ? (peur, tabou, incompréhension, contraintes logistiques…)
    • La forme sert-elle le fond ou le masque-t-elle ?

Privilégier des témoignages, des cas concrets, des récits ou des infographies (plutôt que de longs manifestes).

Ignorer la gestion des rumeurs, fake news et crises

Les infox en santé prolifèrent, notamment sur les réseaux sociaux. D’après l’IFOP (2023), 65 % des Français ont déjà entendu des informations “scientifiques” qui se sont avérées fausses. Si la Covid-19 a montré l’importance capitale de la réactivité, la plupart des organisations n’avaient pas anticipé (ou formé leurs équipes) à une gestion de crise de l’information.

  • Risques majeurs :
    • Perturbation de campagnes de prévention (exemple éclatant : la défiance vis-à-vis des vaccins chez certains jeunes adultes)
    • Crise de confiance dans les institutions de santé
    • Lésions durables à la réputation
  • Bonnes pratiques à développer :
    • Veille active sur les réseaux et forums (outils gratuits comme Google Alerts, Talkwalker Alerts…)
    • Proposer systématiquement des sources Fables-Infox (Vaccination Info Service ou l’Ordre des Médecins).
    • En situation de crise, réagir vite, nommer un ou plusieurs référents communication.
    • Recourir à des formats pédagogiques : vidéo-démystification, podcasts de fact-checking, Q/R sur site web.

Sous-estimer la dimension éthique et réglementaire

La communication santé n’est pas celle d’un produit classique. Les règles (déontologie, RGPD, loi anti-cadeaux, encadrement de la publicité médicale) sont précises pour protéger les publics. Un message inadapté peut exposer une structure à des poursuites, ou dégrader durablement sa crédibilité.

  • Quelques points de vigilance :
    • Respecter la confidentialité : aucune donnée de santé ne doit être partagée sans accord éclairé.
    • Être transparent sur la nature de l’information (prévention, conseil, promotion…)
    • Consulter les chartes éthiques de communication en santé (HAS, Ordre des Médecins).
    • Informer sans faire peur : éviter tout sensationnalisme, dramatisation ou stigmatisation.

Banaliser le digital… ou l’exploiter n’importe comment

Site web, réseaux sociaux, newsletter, application mobile, podcast… Le panel d’outils s’est élargi, mais nécessite méthode et stratégie. L’absence de plan digital conduit à la dispersion ou au “bruit” inutile.

  • L’écueil classique : “être partout, être tout, pour tout le monde”
    • Comptes réseaux sociaux peu ou mal animés
    • Sites web non actualisés
    • Emailings envoyés sans segmentation
  • Conseils d’action digitaux simples :
    • Clarifier la cible et les objectifs de chaque canal
    • Privilégier la qualité (1 ou 2 réseaux pertinents animés régulièrement, plutôt que 4 ou 5 délaissés)
    • Mettre à jour ses informations (adresse, horaires, modalités de contact, actualités récentes…)
    • Inclure des CTA (appels à action) clairs
    • Mesurer l’impact avec des outils gratuits ou accessibles (Google Analytics, statistiques natives réseaux sociaux etc.)

Mettre de côté la co-construction et l’intelligence collective

Les projets communicatifs les plus efficaces sont rarement solitaires. Ils s’appuient sur des savoirs partagés, une mutualisation d’expériences et une dynamique participative. Cette dimension n’est pas toujours spontanée alors qu’elle est source de gain de temps, d’implication et de légitimité.

  • Atouts de la co-construction :
    • Mieux répondre aux besoins réels de terrain
    • Éviter les angles morts ou les “non-dits” organisationnels
    • Renforcer la pérennité et l’appropriation des messages
  • Exemples de démarches collaboratives :
    • Ateliers de création de supports réunissant soignants, patients et aidants
    • Réseaux de pairs : échanges de bonnes pratiques entre établissements de santé ou associations
    • Partenariats avec structures locales (Maisons de santé, CCAS, écoles…)
    • Outils numériques collaboratifs : Padlet, Trello ou Google Drive pour le partage en temps réel

Dépasser les pièges et progresser collectivement

Loin d’une liste exhaustive, ces pièges sont avant tout le fruit de situations réelles, relevées dans le quotidien des acteurs engagés. Rappeler quelques fondamentaux, c’est aussi redonner du souffle à une communication trop souvent vécue comme une contrainte ou un “plus” annexe. Partager ses doutes, mutualiser les outils, oser repenser ses pratiques : c’est tout l’enjeu pour gagner en impact, en légitimité et, surtout, en confiance auprès des publics.

Envie d'aller plus loin ? De nombreux guides pratiques, formations (HAS, FHF, France Assos Santé) et webinaires gratuits existent pour approfondir ces enjeux. Vos retours d’expériences et questionnements peuvent aussi nourrir ce blog : l’espace commentaire ou notre formulaire de contact vous sont ouverts.

Chacun, même au sein de la plus petite structure, peut devenir moteur d’une communication plus inclusive, plus éthique, et plus adaptée aux besoins du terrain.

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