Divergence de missions : pourquoi communiquer ?

Les objectifs qui guident la communication en santé varient grandement selon la nature de la structure. Les missions associatives ne font pas appel aux mêmes dynamiques ni à la même logique que celles d’un hôpital ou d’une clinique. C’est la raison d’être même de la communication qui diffère.

  • Associations santé : défendre une cause, sensibiliser, mobiliser (donateurs, patients, bénévoles), informer sur des pathologies ou promouvoir des actions de prévention.
  • Établissements hospitaliers : informer sur l’offre de soins, coordonner les relations internes/externes, rassurer le public, valoriser l’expertise médicale, ou encore gérer les situations de crise et accompagner la transformation de l’établissement.

Selon une étude 2022 de France Assos Santé, 89% des associations de patients voient la communication comme levier clé de mobilisation, tandis que pour les hôpitaux, la priorité est d’asseoir leur légitimité et d'attirer patients et professionnels (Enquête C2DS 2021).

Des ressources et moyens à géométrie variable

La communication associative et la communication hospitalière évoluent dans deux univers de moyens radicalement opposés.

  • Associations : budgets serrés, équipes restreintes, bénévolat, systèmes D et forte agilité. 60% des associations santé françaises ne comptent aucun salarié (La France associative en mouvement 2023 – Recherches & Solidarités).
  • Hôpitaux/Cliniques : équipes dédiées, budgets structurés (communication interne et externe), recours à des spécialistes (attachés de presse, community managers, graphistes). À l’AP-HP, par exemple, plus de 120 professionnels travaillent à la communication (Source : AP-HP 2022).

Cette différence impacte directement la capacité à planifier, à investir dans des outils performants (plateformes web, vidéos, campagnes médias) et à rester réactif.

Publics visés : qui sont les destinataires ?

La question des destinataires des messages révèle d’autres écarts :

  • Associations santé : patients, aidants, partenaires institutionnels, citoyens, élus, donateurs, professionnels de santé. L’enjeu : tisser des liens directs, instaurer la confiance, mais souvent sur des communautés ciblées ou des niches pathologiques.
  • Hôpitaux : grand public, usagers, patients actuels ou futurs, familles, personnel soignant, collectivités, ARS, médias… Leurs messages sont souvent plus généralistes, mais à fort enjeu d’image et de gestion de réputation (notamment face à la médiatisation ou aux polémiques).

Notons qu’une association santé va adapter un discours de proximité, horizontal et empathique. L’hôpital, en revanche, reste attaché à un schéma descendant et institutionnel, même lorsqu’il tente de personnaliser sa communication (cf. études EHESP et INCA 2021).

Des supports et des modalités de communication contrastés

Moyens d’action : entre créativité et institutionnalisation

Avec des contraintes budgétaires, les associations santé s’illustrent par leur inventivité : usage massif des réseaux sociaux, blog collaboratif, campagnes virales, podcasts, newsletters. Elles favorisent les formats courts, mais aussi la parole des pairs (témoignages, forums, webinaires).

  • Exemple : La campagne « Octobre Rose » (contre le cancer du sein), véritable succès collectif chaque année, doit son impact aux milliers d’associations mobilisant réseaux sociaux, évènements de terrain, influenceurs et publications visuelles.

Les établissements hospitaliers, eux, travaillent davantage sur les supports formels : communiqués de presse, rapport d’activité, affichage interne, conférences, communications officielles auprès de l’ARS… Ils disposent aussi de journaux internes ou de sites institutionnels rationalisés, parfois au détriment de la réactivité.

Adaptation au contexte numérique

  • 80% des associations santé gèrent au moins une page Facebook, mais seulement 34% possèdent un compte Twitter/X actif (Baromètre Associations & Digital – HelloAsso 2023).
  • Du côté hospitalier, la présence en ligne est structurée mais souvent top-down. Les annonces sur LinkedIn, YouTube ou Twitter/X sont calibrées, approuvées par plusieurs étages hiérarchiques, et peu adaptées à la conversation directe.

Les associations utilisent leur agilité pour entrer plus directement dans la sphère conversationnelle des patients. Les hôpitaux s’inscrivent dans un registre rassurant, normatif, parfois moins accessible aux plus jeunes ou aux publics non avertis.

Codes, langage et posture : deux mondes distincts

  • Langage associatif : empathie, horizontalité, valorisation de la parole des bénéficiaires. Ton souvent militant, témoignages forts, vocabulaire inclusif, narration vivante, proximité. L’association se positionne comme « voix de », « au service de » ou « avec ».
  • Langage institutionnel : sobriété, formalisme, technicité, précaution oratoire (parfois trop) et validation juridique. Message centré sur la crédibilité de l’institution, prise de parole cadrée par le directeur ou le service communication.

Dans les associations, une brochure évoquera « votre parcours », des « expériences de vie », mobilisera des « conseils pratiques », alors qu’à l’hôpital, on rappellera le « parcours patient », les « protocoles », « l’engagement du service ».

Gestion de crise et communication sensible

Les deux types d’organisations sont souvent confrontés à des enjeux critiques : scandale sanitaire, pandémie, défaillance prise en charge, souffrance psychologique, plainte, etc. Mais la posture varie :

  • Association : préfère signaler et interpeller sur des points faibles du système de santé, peut porter la parole des victimes ou mobiliser l’opinion (affaires du Médiator, Fin de vie, crise du COVID-19). Réactivité, alertes, tribunes ou témoignages.
  • Hôpital : protégé par une hiérarchie lourde et des protocoles stricts, la communication se veut d’abord protectrice (de l’institution), coordonnée, et vise à freiner la propagation de rumeurs ou à rassurer rapidement. L’hôpital doit répondre aux exigences légales (confidentialité, RGPD) et souvent faire face à une rhétorique médiatique plus agressive.

Une étude menée par l’INRS (2023) sur la gestion de la crise COVID-19 a montré que certaines associations sont devenues de précieux relais de confiance, là où la prise de parole officielle hospitalière a parfois manqué d’incarnation et de spontanéité.

Mesure de l’impact et outils d’évaluation

La réussite d’une communication ne s’apprécie pas de la même manière :

  • Associations santé : le nombre de dons, la mobilisation sur le terrain ou sur les réseaux, l’inscription à un évènement, l’impact direct sur la vie quotidienne des bénéficiaires sont des critères majeurs. Les indicateurs restent très qualitatifs et contextuels.
  • Hôpital : l’affluence aux journées portes ouvertes, le volume de retombées presse, la réputation sur Doctolib ou Google, les baromètres de climat interne, la régulation d’une crise médiatique… L’évaluation est plus formalisée, souvent à partir de tableaux de bord ou d’outils de veille professionnelle.

Attention : le manque d’outils d’analyse côté associatif peut parfois freiner l’amélioration continue, tandis qu’à l’hôpital une multiplication d’indicateurs peut rendre plus difficile la prise en compte du vécu réel des usagers (source : Fédération Hospitalière de France / Doxa 2021).

Quels points communs malgré tout ?

  • L’importance du relais terrain personnalisé, même dans la gestion la plus institutionnelle.
  • Le besoin de plus en plus fort d’agilité et d’authenticité face à la montée des fake news et à la défiance grandissante envers la santé (Baromètre Edelman Trust 2023 : 47% des Français « ne font pas confiance spontanément à la prise de parole d’un établissement hospitalier »).

On observe une tendance à l’hybridation : certains hôpitaux s’inspirent des pratiques associatives (réseaux sociaux, témoignages patients, mentors pair-aidants), tandis que des associations structurent leur communication tout en gardant leur ADN de proximité.

Vers une communication en santé plus inclusive et adaptée ?

Face aux attentes des usagers et à la complexification des enjeux, l’avenir réside sans doute dans une complémentarité accrue. Les associations montrent la voie en matière de proximité, d’innovation et d’intérêt général. Les hôpitaux, eux, doivent continuer à professionnaliser, mais sans perdre de vue la dimension humaine et la co-construction avec les usagers et les partenaires du territoire.

Soutenir le dialogue entre monde associatif et institutions hospitalières, c’est favoriser une communication plus humaine, respectueuse et adaptée aux nouveaux défis de la santé. Parce qu’au-delà des différences, c’est le patient/citoyen qui doit rester au cœur de toutes les stratégies de communication.

Sources : France Assos Santé, Fédération Hospitalière de France, INRS, Doxa, Recherches & Solidarités, Baromètre Edelman Trust, AP-HP, La France associative en mouvement.

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