Comprendre la stigmatisation en santé : définitions et enjeux

La stigmatisation en santé peut prendre de multiples formes : discours culpabilisants (accusant implicitement la personne d’être responsable de sa maladie), vocabulaire dévalorisant, images stéréotypées, invisibilisation de certaines populations, ou au contraire sur-exposition négative.

  • La stigmatisation aggrave l’isolement social : Selon l’OMS, 2 personnes sur 5 vivant avec un trouble mental ou une maladie chronique déclarent avoir subi une forme de rejet en raison de leur état de santé (OMS, 2023).
  • Des conséquences sanitaires réelles : L’exclusion ou la peur du jugement freinent le recours aux soins. En France, la DREES (2022) estime que 40% des personnes vivant avec une addiction retardent leur demande d’aide à cause du regard social.
  • Un impact sur les politiques : Les représentations influencent la prise de décision publique et l’accès aux droits : par exemple, la sur-représentation des jeunes issus de quartiers populaires dans les campagnes anti-drogue alimente les préjugés, au détriment d’autres populations concernées (ARS).

Diagnostiquer : repérer et comprendre les ressorts de la stigmatisation

On ne stigmatise jamais « par accident ». Souvent, c’est l’absence de participation des personnes concernées, ou le manque d’analyse critique de nos habitudes de communication, qui produisent involontairement l’effet contraire à celui recherché.

  • Où se loge la stigmatisation ?
    • Dans les mots : termes désuets, expressions qui réduisent la personne à une seule caractéristique (« les autistes », « les SDF », « une victime du SIDA »).
    • Dans les images : utilisation de photos stéréotypées pour illustrer systématiquement un public (mise en scène d’une personne âgée seule et triste pour illustrer la dépendance, par exemple).
    • Dans les récits : quand on insiste uniquement sur la dimension « victime », ou au contraire sur une image de « héros », sans nuance, ni complexité.
  • Écouter les retours : Recueillir la parole des premiers concernés et de relais de terrain permet d’identifier rapidement les maladresses ou maladaptations potentielles.

Créer des messages inclusifs : méthodes et outils

Impliquer les publics fragiles dès la conception

  • Co-construire les supports et messages : Par exemple, l’Association AIDES travaille systématiquement avec des personnes vivant avec le VIH pour valider ses campagnes d’information (AIDES).
  • Consulter régulièrement des groupes de pairs, associations d’usagers, travailleurs sociaux, afin d’obtenir un retour direct sur la pertinence et l’impact du message.

Utiliser un langage neutre et valorisant

  • Privilégier toujours la formulation « personne vivant avec… » plutôt que « malade de… », « handicapé » ou « dépendant ».
  • Éviter les formules qui sous-entendent une responsabilité individuelle exclusive (« la lutte contre l’obésité passe par une meilleure volonté… »).
  • Reformuler systématiquement les phrases pour inclure, apporter du pouvoir d’agir : « Afin de… vous pouvez… » plutôt que « il faut… » ou « vous devez… ».

Choisir des visuels respectueux et représentatifs

  • S’appuyer sur des banques d’images inclusives (Unsplash Diversité, Photoability pour le handicap).
  • Représenter la pluralité des vécus : pas seulement des situations « problèmes », mais aussi des moments agréables, de vie sociale, de relations familiales.
  • Veiller à ne pas renforcer les stéréotypes (éviter le « avant/après », représentations caricaturales, etc.).

Éviter les pièges courants dans la communication santé

Même avec les meilleures intentions, certains écueils se répètent.

  1. La sur-dramatisation : Détailler exagérément les conséquences d’une pathologie ou d’une situation (images sensationnalistes, chiffres alarmistes hors contexte) peut dissuader de s’identifier au message, parfois culpabiliser ceux qui n’ont pas accès à la « solution ».
  2. La généralisation abusive : Aucun public n’est homogène. Parler « des jeunes », « des femmes », « des migrants » gomme l’individualité et les différences d’expérience.
  3. Le paternalisme : Parler à la place ou « pour le bien de » un groupe, sans prise en compte de ses besoins et capacités, contribue à l’exclusion.
  4. L’omission des déterminants sociaux : Oublier que l’environnement, les conditions de vie, la discrimination structurelle sont souvent à l’origine des fragilités, et non de simples décisions individuelles.

Des exemples inspirants : quand la communication lutte contre la stigmatisation

  • Lutte contre le VIH : Depuis la campagne « U=U » (« Indétectable = Intransmissible »), portée internationalement par des associations de personnes séropositives, l’inclusion dans le message (par et pour les premiers concernés) a permis d’enrayer nombre de préjugés (cf. ONUSIDA).
  • Handicap et emploi : Le réseau Activateur de progrès montre régulièrement des portraits diversifiés de personnes porteuses de handicap, loin des clichés compassionnels.
  • Mobilisation autour du cancer du sein : L’association Le Ruban Jaune fait témoigner des femmes venues de différents milieux sociaux et culturels, afin d’éviter l’image unique de la « patiente touchée par le cancer ».

Bonnes pratiques pour les acteurs de terrain

  • Former les équipes à la communication inclusive : Mise en place de modules sur les préjugés et stéréotypes dans la communication interne et externe – par exemple avec les ressources gratuites du Défenseur des droits ou de l’OMS.
  • Systématiser la relecture croisée avec des personnes issues des publics cibles ou de relais associatifs.
  • Mesurer l’impact de ses messages : Évaluer régulièrement, via des questionnaires anonymes, la perception des messages par différents groupes, pour ajuster le contenu si nécessaire.
  • Favoriser l’empowerment : Mettre en avant des initiatives menées par les publics fragiles eux-mêmes. Relayer leurs propres moyens de communication (témoignages vidéos, podcasts, témoignages écrits).

Outils et ressources utiles pour progresser

Dépasser la stigmatisation : un engagement collectif et durable

Construire une communication santé inclusive suppose de questionner en profondeur les méthodes, langages et images utilisés. Cela requiert aussi l’humilité de se réajuster sans cesse, au contact des publics concernés, et d’accepter que l’impact d’un message ne se décrète pas : il se vérifie, se co-construit, s’améliore.

La communication santé peut devenir un formidable levier pour déconstruire les préjugés, mieux informer, créer du lien et permettre à chacun de trouver sa place, sa voix, son pouvoir d’agir. Avancer sur ce chemin demande du temps, de l’écoute, de la remise en question régulière : chaque structure, même la plus petite, a les moyens de s’y engager.

En partageant collectivement pratiques, outils et retours d’expérience, il est possible d’inventer une communication santé qui ne laisse personne de côté et ouvre de nouveaux possibles, pour tous.

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