Un constat : communiquer mieux, plus loin, à plusieurs

La communication en santé n’a jamais été autant sous le feu des projecteurs. Entre attente du public, multiplication des sources d’information (et de désinformation), fragmentation des acteurs et richesse des initiatives locales, il devient difficile de faire entendre sa voix — et de rendre l’information vraiment utile. Face à cela, une évidence s’impose : nouer des partenariats solides entre associations et établissements n’est plus seulement une bonne pratique, c’est devenu un véritable atout stratégique pour la communication santé.

Ces coopérations permettent de répondre à plusieurs défis majeurs : renforcer la crédibilité des messages, augmenter leur portée, développer des actions adaptées aux besoins réels, et peser davantage dans l’écosystème santé. Comment s’y prendre et quels sont les bénéfices concrets ? Éclairages, outils et illustrations.

Pourquoi ces partenariats sont-ils stratégiques ?

1. Croisement d’expertises complémentaires

Associations et établissements n’ont pas la même approche de la santé :

  • Les associations sont proches des usagers, patients et familles. Elles connaissent leurs préoccupations, leurs freins, leurs réalités quotidiennes. Nombre d’entre elles portent une parole issue du terrain, précieuse pour adapter la communication.
  • Les établissements (hôpitaux, cliniques, centres de santé, EHPAD…) bénéficient d’expertises médicales, logistiques et organisationnelles. Leur parole pèse dans l’écosystème, mais risque parfois de paraître distante ou institutionnelle.

En associant ces deux regards, les messages gagnent en crédibilité et en légitimité. D’après France Assos Santé (baromètre 2023), 68 % des Français font davantage confiance à une information santé issue d’une collaboration entre une association de patients et une structure médicale, contre seulement 41 % pour un canal institutionnel isolé (France Assos Santé).

2. Amélioration de la pertinence et de l’accessibilité des messages

Les messages de santé doivent toucher des publics variés, parfois éloignés, aux niveaux de littératie très disparates. Les associations jouent ici un rôle clé : elles connaissent les besoins spécifiques, savent adapter le langage, lever les incompréhensions et identifier les canaux pertinents (réunions de quartier, forums en ligne, événements locaux…). Les établissements, eux, garantissent la validité scientifique des contenus.

  • Un partenariat, c’est l’assurance de messages à la fois compréhensibles, justes, contextualisés : une démarche d’éducation et non d’injonction.
  • Le site Santé publique France a montré que, lors de la campagne sur le dépistage du cancer colorectal, les supports co-construits avec des associations de patients ont permis d’augmenter le taux de participation de 8 points dans les territoires concernés (rapport 2021).

3. Renforcement de la visibilité et de l’impact

On le constate chaque jour : une communication en silo a moins de force qu’une action commune. La mutualisation des réseaux (emails, réseaux sociaux, médias locaux…), la mobilisation croisée des bénévoles, des soignants et des partenaires institutionnels multiplient les relais.

  • Un événement piloté à la fois par une association et un établissement attire en moyenne 2,5 fois plus de participants qu’un événement monocanal (source : Observatoire régional des Actions Santé, Nouvelle-Aquitaine, 2022).
  • La portée médiatique s’élargit, en touchant à la fois le grand public, les professionnels et le tissu associatif.

Ceci favorise aussi la transformation effective des comportements. Quand l’action émane d’un collectif, la confiance augmente, l’appropriation des messages progresse, et le bouche-à-oreille devient un puissant allié.

4. Capacité à innover & à s’adapter localement

Les enjeux de santé varient selon les territoires, les cultures, les âges, les niveaux d’accès aux soins. Les partenariats ouvrent la voie à l’innovation : aller au plus près des besoins, tester de nouveaux formats, oser des messages en dehors des sentiers battus.

  • On l’a vu lors de la crise COVID-19 : la co-construction d’actions de prévention avec les associations communautaires a permis de toucher des publics éloignés du système de soins, par exemple via des distributions de kits multilingues dans les quartiers prioritaires (source : Mairie de Paris, rapport “Covid et précarité” 2021).

Quels types d’actions ? Des exemples concrets de communication partagée

Le partenariat n’est pas qu’un mot. Sur le terrain, les possibilités sont multiples, adaptables à chaque contexte :

  1. Campagnes de prévention conjointes
    • Exemple : La Semaine du Cœur orchestrée localement par la Fédération Française de Cardiologie et plusieurs hôpitaux a permis de sensibiliser, via des ateliers animés à deux voix (soignant + bénévole association), avec un taux de satisfaction de 94 % chez les participants (rapport Fédération 2022).
  2. Co-création de supports
    • Guide patient, vidéos témoignages, fiches pratiques rédigées conjointement (patients/expert médical).
  3. Animer des espaces d’échanges
    • Groupes de parole, webinaires, forums associatifs : échanges de vécu, réponses d’experts en direct, meilleurs taux d’engagement selon HelloAsso (+60 % sur la fréquentation des forums hybrides association-institution).
  4. Ateliers ou actions hors les murs
    • Aller à la rencontre des publics dans des lieux non médicalisés (marchés, écoles, MJC, entreprises) est souvent facilité par les réseaux associatifs, avec l’aval d’institutions pour garantir la légitimité.
  5. Diagnostics partagés et plaidoyer
    • Vision globale et ancrage local, comme l’illustre la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé depuis 1986 : impliquer usagers + professionnels est le socle d’une santé réellement participative (OMS).

Ce que le partenariat change dans la communication santé

1. Passage du “discours sur” au “discours avec”

Faire de la communication santé, ce n’est plus diffuser à un public, mais échanger avec lui. La co-construction remplace la verticale institutionnelle par l’horizontalité, où chaque partie apporte sa vision. Cela permet :

  • De bâtir une langue commune : moins de jargon, plus d’écoute.
  • D’intégrer la dimension émotionnelle, utile notamment sur les sujets tabous (santé mentale, cancers, handicap…)
  • De détecter très vite les incompréhensions et d’ajuster la pédagogie.

2. Renforcement de la confiance et de la légitimité

Le public devient de plus en plus méfiant envers la communication institutionnelle seule. Un partenariat bien mené déconstruit la suspicion et montre que “rien ne se fait sans les personnes concernées”.

  • Cela favorise l’adhésion : selon la HAS, un patient acteur de sa santé suit mieux les recommandations et relaie plus efficacement les messages (HAS).
  • Une parole partagée “association + professionnel” offre plus de nuances et respecte le vécu de chacun.

3. Valorisation des savoirs et lutte contre la désinformation

Dans un contexte de fake news médicales (selon l’OMS, 65 % des utilisateurs ont été exposés à au moins une fake news santé en 2021 !), renforcer la pluralité des sources et la transparence des contenus est primordial. Un partenariat rend les sources identifiables, favorise la vérification des messages, et permet d’intégrer les signaux faibles (remontées terrain, ressentis des usagers…).

Réussir son partenariat : conseils pratiques

  • Définir ensemble les objectifs : Qu’attend-on du partenariat en communication ? Prendre le temps d’élaborer des attendus communs, de clarifier les rôles et champs d’intervention de chaque partenaire.
  • Respecter la temporalité de chacun : Associations et établissements n’ont pas toujours les mêmes contraintes ni les mêmes rythmes. Un planning partagé, avec points d’étape, facilite l’avancée.
  • Soigner la circulation de l’information : Trop de partenariats butent sur des défauts de coordination. Privilégier des outils collaboratifs accessibles à tous (framasoft, drive partagés, groupes whatsapp/tableau d’affichage partagé…).
  • Capitaliser sur l’expérience : Après chaque action, recueillir les retours de tous (bénévoles, professionnels, publics) pour améliorer les prochaines campagnes. Un bilan co-rédigé permet d’apprendre ensemble et de valoriser l’investissement de chacun.
  • Viser la durabilité : Les partenariats “one shot” marquent les esprits mais peinent à transformer durablement. Favoriser une logique de projet “itératif”, où on s’autorise à tester, à rater, à recommencer… et à célébrer les petites victoires !

Des limites… et des leviers pour avancer

Tout n’est pas toujours simple. Les partenariats sont parfois freinés par :

  • Le manque de temps et de moyens (humains ou financiers)
  • Des différences de culture interne, avec une défiance mutuelle possible
  • La difficulté à accorder visibilité aux deux parties (crainte du “rôle secondaire” pour les associations, volonté de contrôle institutionnel…)

Mais les solutions existent. Elles passent par :

  • La formation des acteurs à la démarche collaborative. Les ARS et réseaux associatifs proposent des modules spécifiques (ex: formation “Communiquer avec/pour les patients, pas seulement sur eux”, Union Régionale des Professionnels de Santé, 2023).
  • La reconnaissance officielle de ces démarches dans les critères de qualité HAS (indicateurs patient partenaires, implication d’usagers en CME…)
  • La montée en puissance d’outils numériques pour co-produire, relayer et valoriser.

La communication santé ne se pense plus seul

Au cœur des enjeux contemporains, le partenariat entre associations et établissements trace la voie d’une communication santé plus humaine, plus efficiente, plus innovante. Il permet à chaque structure, quelle que soit sa taille, de gagner en impact sans sacrifier ni la rigueur ni l’écoute. Dans un monde saturé d’informations, le collectif s’impose : c’est ensemble que la confiance renaît, que les messages sont entendus, que la santé publique se construit — pas à pas, projet après projet.

Faire vivre ce partenariat, c’est oser réinventer nos pratiques et faire évoluer la communication santé du XXe au XXIe siècle. À chacun d’oser la rencontre : l’intelligence collective, ça se construit. 

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