Pourquoi s’intéresser à l’impact : enjeux spécifiques du secteur associatif santé

Dans le secteur de la santé, la communication ne se limite pas à la diffusion d’informations. Elle est vectrice d’émancipation, d’accès aux droits, de prévention. Mais les acteurs associatifs font souvent face à des contraintes fortes : moyens financiers limités, disponibilité variable des bénévoles, diversité des publics… Savoir précisément ce qui fonctionne (et ce qui doit être ajusté) permet d’optimiser ses ressources et d’agir avec justesse.

  • Légitimer ses actions : Être en capacité de démontrer l’efficacité de ses campagnes est un levier pour rassurer les financeurs, construire des arguments auprès des partenaires ou renforcer la mobilisation interne.
  • Mieux cibler ses interventions : L’évaluation éclaire les choix : où concentrer ses efforts ? Comment ajuster le fond ou la forme ?
  • Renforcer l’impact social : Au-delà des chiffres, il s’agit de vraiment transformer les parcours de santé, de changer les comportements ou de permettre l’accès à des droits.

État des lieux : que veut-on mesurer dans une communication associative ?

Communiquer, ce n’est pas toujours “faire du bruit” ou obtenir de la visibilité pour la visibilité. Dans le champ santé, il s’agit souvent de réels changements : modification de comportements à risque, accès à la prévention, meilleure orientation vers des dispositifs, mobilisation pour le plaidoyer…

  • L’audience : Combien de personnes ont été touchées ?
  • L’engagement : Qui a interagi ? S’est mobilisé ?
  • L’évolution des connaissances ou représentations : Qu’a-t-on appris ou remis en question ?
  • Le passage à l’action : Y a-t-il eu une prise de rendez-vous, un dépistage, une adhésion, un changement de pratique ?
  • Le relais par les partenaires : Votre message a-t-il été repris, intégré à d’autres dispositifs ?

Les retombées attendues ne sont donc pas forcément les mêmes d’une campagne à l’autre. C’est l’objectif même de votre action qui doit guider les indicateurs retenus.

Choisir les bons indicateurs : ni trop, ni pas assez

Dans la pratique, il n’y a pas de “kit magique” applicable à toutes les situations. L’erreur fréquente est de vouloir tout mesurer, mais au risque de s’éparpiller et de ne rien comprendre. Autre piège : ne se fier qu’aux quantitatifs (par exemple, compter les vues d’un post Facebook) sans creuser l’impact réel en santé.

Voici comment choisir ses indicateurs.

  1. Le quantitatif : Nombre de visites sur une page, quantité de flyers distribués, participations à un événement, taux d'ouverture d’une newsletter, etc. Chiffres utiles pour dimensionner la portée, mais pas suffisants.
  2. Le qualitatif : Niveau de compréhension, ressenti des bénéficiaires, capacité à se projeter, qualité des échanges. Souvent collecté via des questionnaires courts, des entretiens, ou des temps de discussion collective.
  3. L'impact concret : On parle ici des effets observés, à court ou moyen terme, sur les bénéficiaires. Exemple : augmentation du nombre de dépistages réalisés, modifications auto-déclarées de comportements, etc.

Pour le secteur associatif santé, intégrer systématiquement un ou deux indicateurs qualitatifs permet d’aller plus loin que la simple “audience”.

Exemples d’indicateurs spécifiques à la santé :

  • Taux d’appropriation des messages (questions de compréhension lors d’un atelier)
  • Nombre de contacts générés auprès d’une permanence d’accès aux soins après une campagne
  • Evolution du score de connaissances sur une thématique santé avant/après l’action (cf. méthode KAP – Knowledge, Attitude and Practices, OMS)
  • Témoignages de changements de comportements recueillis lors de groupes de parole

L’OMS recommande l’utilisation combinée de signaux quantitatifs et qualitatifs pour une évaluation “transformative” de la communication santé (OMS, “Improving health communication evaluation”, 2018).

Comment recueillir les données : outils pratiques, astuces terrain

La collecte de données doit être adaptée aux capacités réelles de l’association. Utiliser des outils simples, reproductibles et respectueux des personnes.

  • Questionnaires courts : En papier ou numérique (Google Forms, Framaforms…), distribués en fin d’atelier, d’événement ou envoyés à la suite d’une campagne mail.
  • Entretiens flash ou micro-trottoirs : 2 ou 3 questions posées à chaud aux participants pour recueillir un avis sincère.
  • Comptage et analyse de l’audience digitale : Utilisation d’outils comme Google Analytics, ou des statistiques natives de Facebook, Instagram, etc. L’AFPA mentionne que 68% des associations mesurent leur impact digital par ces indicateurs (source : Baromètre Association et Digital 2023, Recherches & Solidarités).
  • Groupes de discussion : Pour aller plus en profondeur sur le vécu, les besoins ou les points de blocage avec les usagers ou partenaires.
  • Journal de bord projet : Notez, au fil de l’eau, les retours informels, suggestions, points d’amélioration, ce qui a “accroché” ou non.

Bon à savoir : Prévoyez que la collecte ne prenne jamais plus de 10 minutes (une contrainte souvent exprimée par les bénévoles et bénéficiaires).

Impliquer les bénéficiaires dans l’évaluation : méthodes participatives

L’évaluation ne doit pas devenir une opération “hors sol”. Inclure les bénéficiaires dès la conception des outils de mesure permet de dépasser les biais classiques et d’obtenir des enseignements réellement utiles.

  • Co-création des questionnaires : Demandez à un petit groupe (usagers, bénévoles, professionnels) de relire ou d’enrichir vos questions : sont-elles claires ? pertinentes ?
  • Évaluation par les pairs : Les bénéficiaires animent eux-mêmes un bilan collectif, croisant leurs points de vue sur ce qui a changé grâce à la campagne.
  • Débriefings collectifs : Organiser un retour d’expérience déconstruit le rapport hiérarchique classique et fait émerger des pistes d’évolution concrètes.

Des expériences comme la démarche du Comité d’Éducation à la Santé et à la Citoyenneté (CESC) dans les établissements scolaires montrent que la co-évaluation amène souvent à d’autres axes de travail prioritaires : certains besoins n’apparaissent qu’en laissant la parole aux publics concernés (source : Education.gouv.fr).

Donner de la valeur aux “faiblesses” : analyser aussi ce qui n’a pas fonctionné

Évaluer, c’est accepter le droit à l’erreur et l’expérimentation. Trop souvent, on ne communique que sur les “succès” et l’on oublie de documenter les difficultés ou les échecs – qui sont pourtant une mine d’apprentissage pour le secteur.

  • Les messages n’ont pas atteint la cible prévue ? Cela indique peut-être un problème d’accessibilité, de canal utilisé, ou un horaire mal adapté.
  • Un taux de participation faible ? Creuser les freins en interrogeant les absents.
  • Des incompréhensions sur un sujet ? Cela peut signaler que le vocabulaire ou le format n’étaient pas adaptés.

Documenter ces difficultés, anonymement, dans des bilans d’activité ou des temps de restitution permet d’ajuster au plus juste les actions à venir. Certaines associations innovantes intègrent même un “fail fest” : un temps formel pour partager les essais moins aboutis et s’enrichir collectivement (cf. la démarche de l’ONG Ashoka).

Des ressources et outils pour aller plus loin

  • Guide Santé publique France “Évaluer une action de communication pour la santé” (2022) – méthode accessible et adaptée au contexte associatif : Santé Publique France
  • Mooc “Évaluation participative d’actions et de projets” (Coordonné par F3E, Plateforme de l’évaluation participative associative)
  • Outil libre de questionnaires : Framaforms (framaforms.org)
  • Matrice d’impact : Schéma simple pour croiser cibles, objectifs, actions et résultats (voir l'exemple du guide Recherches & Solidarités, 2022)
  • Focus groupes à distance : méthodo détaillée dans “Animation de focus groups numériques” (Université de Lorraine, Labex SMS 2021)

Perspectives : une évaluation qui accompagne la transformation du secteur

On le constate : évaluer la communication dans le secteur santé associatif, c’est bien plus qu’un exercice technique. C’est un levier pour faire évoluer ses pratiques, reconnaitre ses réussites, partager ses apprentissages et souder les collectifs autour d’objectifs communs.

Le véritable enjeu n’est pas tant de “prouver” que de donner sens et visibilité à ses actions, de renforcer la confiance – en interne comme auprès des publics – et de toujours mieux ajuster le message à la réalité du terrain. Adopter l’évaluation, c’est s’autoriser à tester, à écouter, à tirer parti des retours pour une communication réellement transformatrice.

Envie d’aller plus loin ? Sur ce blog, vous trouverez des fiches pratiques pour créer vos propres questionnaires, mener une auto-évaluation ou organiser des ateliers de bilan collectif. N’hésitez pas à partager vos expériences et vos outils : c’est ensemble que notre communication prend tout son sens.

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