Transparence en santé : de quoi parlons-nous ?

Dans le secteur de la santé, la transparence n’est pas simplement un engagement moral. C’est un principe structurant, régulièrement rappelé par les autorités comme la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui fait de l’accès à une information fiable, actualisée et intelligible, un droit fondamental pour chaque citoyen.

Concrètement, la transparence en communication santé recouvre plusieurs réalités :

  • Clarifier les informations : expliquer sans cacher, dans des termes compréhensibles, le fonctionnement d’un service, d’un parcours de soins ou d’un traitement.
  • Énoncer les bénéfices et les risques : annoncer autant les résultats positifs que les limites, les potentiels effets secondaires ou complications.
  • Dévoiler les intérêts et conflits potentiels : signaler toute collaboration avec des partenaires (industrie, laboratoires), intérêt financier ou soutien logistique ayant influencé données ou communication.
  • Réagir ouvertement en cas d’incident : ne pas minimiser, assumer la communication de crise avec honnêteté et pédagogie.

À l’heure où la défiance envers les institutions et la circulation de “fake news” augmentent — on estime que 53% des Français doutent de la parole publique en santé (Baromètre e-Santé 2023, Odoxa) —, la transparence devient une condition majeure de la responsabilité, de l’écoute et du dialogue.

Pourquoi la transparence est-elle si déterminante ?

Prévenir la méfiance, favoriser l’adhésion aux messages, construire la confiance : la transparence est la clé de voûte de la communication responsable. Elle est au service de l’ensemble des publics : patients, aidants, professionnels, décideurs et simples citoyens.

Un facteur de confiance… ou de rupture !

  • Selon l’étude Edelman Trust Barometer 2022, 76% des personnes interrogées estiment que les entreprises de santé devraient être totalement transparentes sur les essais cliniques, leur efficacité et leurs revers.
  • Lors de la crise de la COVID-19, le manque de transparence sur la gestion des stocks de masques ou la composition des vaccins a multiplié interrogations et rumeurs — la HAS souligne que “le manque d’informations ou d’explications sur les décisions accentue les soupçons et freine l’acceptabilité des mesures”.
  • 70% des soignants considèrent que le partage d’erreurs ou d’incidents permet d’éviter leur répétition et d’appuyer l’amélioration continue de la qualité des soins (HAS, 2021).

Mieux informer pour mieux soigner

  • La transparence favorise l’autonomie et le consentement éclairé des usagers. Le Code de la santé publique (art. L1111-2) oblige les professionnels à “apporter une information loyale, claire et appropriée sur les traitements, les risques et les alternatives.”
  • Un patient mieux informé prend des décisions plus adaptées à ses besoins : selon la Fédération Hospitalière de France, 58% des patients déclarent vouloir comprendre les choix médicaux pour s’impliquer dans leur parcours (Baromètre Observatoire FHF 2022).
  • L’éthique et la confiance créées par des démarches transparentes permettent ensuite d’assurer l’acceptation de campagnes de prévention, de vaccination ou de changements organisationnels, même sur des sujets sensibles (test de dépistage, don d’organes…).

Quels sont les écueils d’un manque de transparence ?

Le manque de transparence n’est pas anodin. Outre la perte de confiance, il peut générer :

  • Des rumeurs et de la désinformation : Les zones d’ombre, le langage flou ou les non-dits conduisent à des interprétations erronées. Les réseaux sociaux accélèrent la propagation d’idées fausses, parfois dangereuses : la désinformation durant la pandémie a fait perdre plus de 17 000 vies par refus vaccinal, selon une étude Harvard-Tufts publiée dans JAMA Network Open (2023).
  • Des atteintes à l’image de l’organisation : Les scandales sanitaires récents (Mediator, Levothyrox…) sont devenus des cas d’école : le défaut d’information, les retards de réaction ou la communication minimisant les problèmes se transforment rapidement en crise réputationnelle.
  • Des risques juridiques accrus : La loi Kouchner (2002) a instauré en France le “droit d’être informé” pour toute personne suivie ou traitée. Le défaut ou retard d’information peut ouvrir la voie à des recours, avec une jurisprudence précise sur la preuve de l’information donnée.

Transparence : outils et bonnes pratiques pour les acteurs de la santé

Mener une communication transparente ne veut pas dire tout dire sans filtre ni discernement, mais transmettre “toute l’information utile”, selon des modalités adaptées à chaque public. Voici des pistes concrètes pour rendre vive et effective la transparence au quotidien, quel que soit le contexte ou la taille de la structure.

1. Favoriser un langage clair et accessible

  • Bannir le jargon, vulgariser sans mentir : Prendre l’habitude de relire chaque texte, affiche ou page web à la lumière du public visé. Des outils comme le guide HAS sur la rédaction à destination du public apportent des repères utiles sur la simplification rédactionnelle et graphique.
  • Utiliser des supports pluriels : Infographies, vidéos courtes, Q/R, podcasts peuvent compléter une notice écrite pour diversifier les modes de compréhension et toucher des publics variés.

2. Partager les sources et publier les données

  • Citer les études, auteurs, modèles de calcul et partenaires permet à chacun·e de remonter à l’origine de l’information donnée. Cela contribue aussi à rassurer sur la rigueur de la démarche.
  • Publier des données sur l’activité, les indicateurs de qualité ou d’expériences patient (ex : taux de satisfaction, délais, résultats cliniques) : en France, les CHU et les ARS diffusent désormais ces chiffres en accès libre — Encourager chacun à expliquer leur mode de calcul, leur sens, et leur limite.

3. Reconnaître ses limites, ses erreurs et communiquer en cas de crise

  • Préparer un dispositif d’alerte et un plan de crise intègre une charte de transparence (exemple : le guide “Transparence en situation de crise” du Ministère de la Santé).
  • Savoir s’excuser et exposer les mesures correctrices renforce la confiance et la loyauté (la Croix-Rouge et Médecins du Monde publient, par exemple, leurs bilans d’erreur et actions correctives chaque année).

4. Rendre visible la déclaration d’intérêts et les collaborations

  • Intégrer systématiquement la déclaration d’intérêts des auteurs, experts ou membres d’instances dans les documents d’information, conférences, ou pages web : le registre officiel “Transparence Santé” permet à tout citoyen d’accéder aux liens d’intérêts entre professionnels et industries.
  • Présenter sans ambiguïté le nom des partenaires, financeurs ou parrains de campagnes (logos, mentions, rapport d’activité public).

5. Favoriser la co-construction et l’écoute des publics

  • Consulter les usagers, patients, familles et acteurs de terrain lors de la construction ou révision de supports d’information : la démarche “Patients partenaires” ou “Comité des usagers” est encouragée par la HAS et l’ensemble des agences régionales.
  • Mettre à disposition des canaux d’expression et de retour : formulaire de contact, permanences d’information, réunions publiques…

La transparence à l’épreuve : exemples marquants

Cas Points clés de transparence / Opacité Enseignements
Levothyrox (2017) Changement de formule sans explication préalable claire - communication tardive - minimisation de la parole des patients Explosion des recours juridiques, défiance durable ; nécessité d’impliquer les premiers concernés et d’accompagner tous les messages de preuves scientifiques.
Campagnes vaccination Covid-19 Publication en continu des données d’efficacité, surveillance des effets secondaires, corrections publiques d’erreurs Acceptation progressive des messages, correction des fake news plus efficace quand elle vient de sources ouvertes et partagées.
CHU de Grenoble (auto-déclaration d’incidents, 2021) Plateforme de signalement ouverte, retours collectifs publiés annuellement, formation à la communication d’erreur Amélioration de la sécurité, baisse des récidives d’incidents évitables, reconnaissance de la direction par les professionnels et patients.

Comment initier ou renforcer la transparence dans sa structure ?

Qu’il s’agisse de votre association, d’un service hospitalier, d’un réseau de professionnels ou d’un collectif citoyen, la dynamique de transparence se bâtit étape par étape. Voici un kit de démarrage inspiré de retours d’expériences :

  1. Auto-évaluer le niveau de transparence actuel : quelles informations existent ? Sont-elles lisibles, à jour, partagées ? Solliciter un avis externe diversifie les points de vue.
  2. Définir une charte “transparence” autour de grands principes partagés : accès aux documents, communication en cas d’incident, déclaration d’intérêts, validation des contenus par des usagers…
  3. Former les équipes à la pédagogie, à l’écoute active, à la gestion des situations de crise.
  4. Recueillir et intégrer les retours des publics cible régulièrement pour ajuster son dispositif.
  5. Créer un espace ou une rubrique dédiée sur le site ou dans les supports physiques : “Nos engagements transparence”, “Nos indicateurs”, FAQ dynamique…
  6. Encourager le témoignage : laisser la parole aux patients, proches, usagers, anonymisée si besoin, pour illustrer par le vécu les enjeux d’une information claire.

S’inscrire dans une démarche de transparence c’est faire le choix du dialogue, de l’engagement et de l’éthique appliquée à chaque étape de la communication. Si les obstacles (peur de l’erreur, contraintes juridiques, risques réputationnels…) sont réels, les bénéfices à long terme sont majeurs : meilleure compréhension, amélioration continue, confiance retrouvée et engagement collaboratif renforcé.

Transparence et futur de la communication santé

L’évolution des attentes sociétales, l’accessibilité croissante des données de santé et le développement des outils numériques rendent la transparence encore plus incontournable. À mesure que la santé s’ouvre à de nouveaux acteurs (patients experts, data scientists, start-ups, communautés en ligne), la communication doit redoubler d’attention à l’exactitude, à l’accessibilité et à la traçabilité des informations échangées.

La transparence ne peut plus être vue comme une contrainte réglementaire, mais comme une valeur ajoutée : elle fonde une relation de co-responsabilité où chaque acteur de la santé, du patient au décideur, devient à la fois récepteur, acteur et producteur d’une information partagée, comprise et actionnable.

Développer une culture de transparence, c’est bâtir dès aujourd’hui un socle solide pour des soins plus humains, une prévention mieux acceptée et des innovations plus vite comprises.

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