Pourquoi la déontologie est centrale dans la communication santé associative ?

Informer sur la santé, c’est toucher à l’intime. Les associations s’adressent à des personnes en recherche d’aide, d’orientation, voire de solutions à des moments cruciaux de leur vie. La moindre imprécision, la moindre approximation, peut fragiliser leur confiance, ou pire, mettre des personnes en situation de vulnérabilité.

C’est pourquoi la déontologie structure la communication associative autour de trois piliers :

  • L’obligation de loyauté : Ne pas induire en erreur, ni promettre ce qui n’est pas prouvé.
  • Le respect du public : Veiller à la non-stigmatisation, à l’accessibilité et à la juste représentation des publics concernés.
  • La primauté de l’intérêt général : Ne pas chercher d’intérêt personnel, ni privilégier ses donateurs ou adhérents au détriment de la mission collective.

La déontologie, c’est donc à la fois une protection (contre les dérives) et un levier d’efficacité : elle renforce la crédibilité du discours et la portée des messages (Source : HAS, « Informer et communiquer efficacement en santé », 2022).

Les cadres légaux à connaître impérativement

La déontologie ne se limite pas à l’éthique : elle s’appuie sur des textes précis, qui encadrent la diffusion d’informations en santé. Ignorer ces règles, c’est s’exposer à des risques juridiques, mais aussi écorner son image.

L’information de santé : entre liberté et responsabilité

  • Code de la santé publique (CSP) : L’article L.1111-2 précise que l’information en santé doit être fidèle, complète, accessible et compréhensible par tous. Les campagnes d’information doivent donc bannir le jargon, et expliquer simplement, sans masquer les limites ou incertitudes scientifiques.
  • Code de la consommation : Toute présentation susceptible de « tromper » l’usager est sanctionnée. Les messages doivent clairement distinguer ce qui relève de la prévention, de l’accompagnement, de l’information, ou d’une offre de soins.
  • Lutte contre la désinformation : Depuis 2018, des lois spécifiques visent à encadrer la diffusion de fausses informations sanitaires, notamment sur les réseaux sociaux (loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information).

Protection des données personnelles : le RGPD en première ligne

  • RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) : Toute communication qui implique la collecte ou l’utilisation de données de santé (mails, photos, témoignages, etc.) doit obtenir le consentement explicite des personnes concernées, garantir la sécurisation des données et proposer un droit à la rectification/suppression (CNIL).
  • Les associations doivent désigner un référent « données personnelles » et tenir un registre des traitements, même pour une newsletter.

Encadrement de la publicité et du mécénat

  • Il est formellement interdit aux associations de faire la publicité de médicaments ou d’actes médicaux en dehors des autorisations légales.
  • La mention des financeurs ou partenaires privilégiés ne doit jamais être assimilée à une validation médicale ou à une incitation à l’achat (Agence nationale de sécurité du médicament – ANSM).

Principes éthiques : les fondations d’une communication responsable

Évoluer dans le secteur associatif santé, c’est aussi incarner une parole différente, capable d’allier expertise et proximité. Plusieurs chartes et repères aident à se positionner.

Transparence et sincérité des messages

  • Indiquer l’origine des informations, leurs sources et, le cas échéant, les doutes subsistants est essentiel. « Ne pas exagérer les avancées scientifiques » fut l’un des principes phares mis en avant lors des débats sur la Charte européenne d’information santé (Conseil de l’Europe, 1999).
  • Préciser le rôle de l’association dans les projets présentés, pour éviter les amalgames avec des institutions publiques ou privées.
  • Clarifier ce qui relève d’un témoignage, d’une expérience personnelle, ou d’une recommandation médicale : un point névralgique, surtout sur les réseaux sociaux.

Respect de la personne et non-discrimination

  • Éviter tout propos, image ou slogan qui véhiculerait un stéréotype ou une stigmatisation. Par exemple, dans la prévention VIH ou santé mentale, l’image donnée du public concerné doit être dénuée de préjugés (voir le guide Santé publique France « Communication et stigmatisation », édition 2021).
  • Tenir compte de la diversité linguistique, sociale et culturelle des publics, en adaptant la langue ou le support si nécessaire (traductions, versions « facile à lire et à comprendre » – FALC).
  • S’assurer de l’accessibilité des supports (contrastes, taille des polices, alternatives textuelles pour les images), notamment pour les personnes en situation de handicap.

Droits d’auteur, droit à l’image et témoignages

  1. Demander systématiquement l’autorisation écrite avant la diffusion de tout témoignage, audio, photo ou vidéo de bénéficiaires ou de professionnels.
  2. Vérifier que tout visuel utilisé est libre de droits, ou qu’il a été acheté/licencié pour éviter toute violation (Unsplash, Pexels, banques associatives, etc.).
  3. Prendre garde aux informations sensibles qui pourraient être identifiantes même sans nommer la personne (ex. témoignages croisés, anecdotes rares, géolocalisation).

Astuces et ressources pour intégrer la déontologie au quotidien

Prendre de bonnes habitudes, c’est gagner du temps et éviter de se retrouver en difficulté. Quelques outils et démarches simples peuvent faire la différence.

  • Élaborer une charte de communication interne : Plus de 70 % des associations de santé disposant d’une charte ou d’un référentiel d’éthique déclarent moins de « crises » en communication (Baromètre Communication santé, COM Santé, 2022).
  • Former ou sensibiliser les bénévoles et salariés : Un module court, partagé en début d’année, ou une infographie mémoire peuvent éviter beaucoup d’écueils dans les prises de parole.
  • Utiliser un processus de validation des contenus : Instaurer une relecture croisée par un binôme (ex. professionnel de santé & membre associatif), avec vérification systématique des sources.
  • Tenir un registre des actions de communication : Pour chaque campagne ou événement, consigner la cible, les objectifs, les messages-clés, les moyens utilisés et les éventuels retours négatifs.
  • Adhérer à une charte nationale ou sectorielle : Par exemple, la Charte de la communication associative santé de la FHF, ou la charte de la Ligue nationale contre le cancer.

Check-list pratique pour les contenus

  • La validité des informations a-t-elle été vérifiée (date, source officielle, conformité scientifique) ?
  • Les supports sont-ils accessibles (FALC, contraste, sous-titres, impression facile) ?
  • Les consentements sont-ils bien collectés et archivés ?
  • Le traitement des données respecte-t-il le RGPD (mentions légales claires, formulaire de contact conforme) ?
  • N’y a-t-il pas d’assimilation entre information et promotion ?
  • Les témoignages sont-ils contextualisés et non « généralisés » à tout un public ?

Illustrations et études de cas

1. L’association AIDES et la prévention VIH Fin 2018, AIDES a mené une campagne de sensibilisation qui a interpellé le public par ses visuels audacieux mais toujours explicites sur le consentement et la protection. Ce succès tient notamment à l’équilibre : consultation d’usagers, messages validés scientifiquement, et ton inclusif, respectueux de toutes les orientations. (Source : AIDES, rapport d’activité 2019)

2. La Fédération Française des Diabétiques et l’accompagnement patient Dans son guide « Ma santé, mon choix » (2021), chaque fiche conseil précise si l’astuce part d’un retour d’expérience, d’une étude scientifique, ou d’un professionnel de santé. Cette précision systématique est un gage de sérieux d’après de nombreux bénéficiaires interrogés par l’association.

3. L’association Valentin Haüy et l’accessibilité Actrice phare de l’accessibilité pour les déficients visuels, l’association a rendu tous ses supports en ligne compatibles lecteurs d’écran, et proposé une version audio de ses principales brochures. Elle a également noué un groupe de travail avec ses bénéficiaires pour enrichir les contenus et limiter les biais.

Adapter sa communication : rester vigilant face à l’évolution des usages

De plus en plus d’associations se saisissent des réseaux sociaux, du podcast, de la vidéo : des formats qui multiplient les occasions de prise de parole spontanée. Selon le baromètre Fréquence Médias (2022), 63 % des associations santé ont publié un live ou podcast au moins une fois au cours des 12 derniers mois. Cette évolution offre de réelles opportunités, mais accroît le risque de dérapage : parole non relue, témoignage trop personnel, réactions instantanées à l’actualité…

  • Rappeler à chaque intervenant non professionnel que « l’expérience d’une personne ne vaut pas protocole ou généralité », sans pour autant nier la puissance du vécu.
  • Éviter de répondre « à chaud » sur des aspects médicaux ou polémiques (effets secondaires, nouveaux traitements…) sans vérification systématique.
  • Surveiller la modération des commentaires, et corriger rapidement toute désinformation qui apparaîtrait sur sa propre page ou fil social.

L’attention portée à la déontologie protège autant l’association que son public : un propos erroné ou impulsif peut être extrêmement dommageable dans l’espace numérique.

Aller plus loin : ressources utiles et documents de référence

La déontologie ne se décrète pas, elle s’organise et se cultive collectivement, à chaque étape. S’appuyer sur des méthodes éprouvées, s’inspirer des bonnes pratiques, et s’entourer pour relire ses messages, c’est la garantie d’un impact plus fort et plus juste. Communiquer, oui, mais toujours au service des personnes.

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