Éthique, déontologie et communication associative santé : de quoi parle-t-on ?

L’éthique regroupe l’ensemble des principes moraux qui guident l’action. En communication santé, elle se traduit par une volonté de transmettre des informations véridiques, utiles et respectueuses, en évitant la manipulation, la stigmatisation ou la diffusion de messages erronés. La déontologie, quant à elle, relève souvent de règles plus formalisées : elle fixe un cadre professionnel, avec des normes, des chartes ou des codes auxquels chacun peut se référer (voir par exemple la Charte de la Communication et de la Promotion Santé : SFSP, 2021).

  • L’éthique : questionne le “pourquoi” et le “pour quoi”, renvoie à la responsabilité individuelle et collective.
  • La déontologie : définit le “comment”, propose des repères concrets pour agir dans le respect des publics et des missions.

Ce que l’on oublie souvent : ces deux piliers ne sont pas réservés aux grosses structures ou aux professionnels chevronnés. Toute association, même petite, peut (et doit) interroger ses pratiques pour insuffler cette culture de la responsabilité et de la confiance.

Les risques de la communication associative santé : maîtriser les impacts

Informer, c’est aussi exposer ses publics – parfois vulnérables – à des conséquences involontaires. Plusieurs études montrent les effets délétères d’une communication inappropriée :

  • Diffusion d’informations non vérifiées ou partielles : 59% des Français déclarent avoir déjà été exposés à une infox santé (Baromètre Santé publique France, 2023).
  • Usage de stéréotypes : la stigmatisation liée à certaines maladies comme l’obésité ou les troubles psychiques impacte le recours aux soins (HAS).
  • Message anxiogène ou culpabilisant : le climat émotionnel généré peut décourager l’action ou nuire à la santé mentale (OMS, “Communication de crise”, 2022).
  • Exposition disproportionnée des publics : illustration avec la question de l’usage de témoignages ou d’images d’enfants sans consentement explicite, régulièrement épinglée par la CNIL.

Un incident mal géré ne se limite pas à la sphère associative : il touche aussi la crédibilité du secteur et, à terme, la confiance en la parole scientifique ou citoyenne. Prendre à bras le corps ces enjeux, c’est s’engager pour une santé publique de qualité.

Des repères concrets pour une communication responsable

La tentation de communiquer “vite” ou “fort” peut amener à négliger certains fondamentaux. Voici quelques points de vigilance, issus notamment du Guide HAS – Communication engageante et éthique (2020) et des retours de terrain.

  • Vérifier ses sources systématiquement : Préférer des informations issues d’organismes reconnus (Santé publique France, OMS, HAS, associations référentes…). Garder la trace des sources utilisées et les citer le cas échéant.
  • Adapter son message à son public : Prendre en compte le niveau de santé, de culture, de langue, mais aussi les fragilités (âge, maladie, situation sociale). Penser accessibilité (FALC, traductions, supports adaptés).
  • Resituer l’information : Expliquer les limites de ce qu’on partage (une étude isolée ne vaut pas vérité générale ; préciser si une information concerne un public particulier).
  • Avoir une vigilance particulière sur les témoignages, photos et vidéos : Toujours demander un consentement informé, expliquer à quoi le contenu servira et garantir le droit à l’oubli ou au retrait.
  • S’interdire tout sensationnalisme : Bannir les formules alarmistes (“la solution miracle” ou “le danger qui vous menace tous”) ou les messages qui relèvent plus du marketing que de l’intérêt général.
  • Éviter la stigmatisation : Proscrire tout vocabulaire dépréciatif, toute image déshumanisante et préférer l’usage de personas, de mises en contexte positives.

De nombreuses associations choisissent par exemple d’utiliser des “personnes symboliques” (photographies non identifiantes ou dessins) pour illustrer certaines campagnes, un réflexe protecteur pour les publics sensibles, notamment les enfants.

Adopter une charte interne pour incarner ses valeurs

Formaliser une charte éthique ou déontologique, même courte, permet de poser le cadre et de s’y référer lorsqu’une question se pose. L’intérêt d’une charte ? Elle structure le dialogue, responsabilise chacun et favorise la cohérence de l’équipe.

  1. Définir ensemble les principes essentiels : respect de la dignité, honnêteté, pluralisme, non-discrimination, confidentialité…
  2. Décliner ces principes en engagements concrets : relecture systématique des messages, validation des supports par plusieurs membres, repérage des situations à risque (témoignages, photos), gestion des demandes de retrait d’information.
  3. Prévoir une veille et une mise à jour régulière : l’éthique évolue avec la société et les pratiques ; la charte ne doit pas être figée.

Éviter les pièges sur le web et les réseaux sociaux

La digitalisation a démultiplié l’impact – positif ou non – de nos prises de parole. Les risques sont amplifiés : viralité de l’infox, attaques anonymes, campagnes de dénigrement, faux profils… D’après l’ANSM (2022), une information approximative en santé circule six fois plus vite que la correction qui la contredit.

  • Avoir une modération adaptée : Fixer des règles de publication et de commentaires, expliquer les motifs de suppression ou de blocage si nécessaire.
  • Composer avec la temporalité du web : Éviter la précipitation, relire systématiquement les contenus avant diffusion, préférer une correction rapide à la suppression silencieuse qui alimente la suspicion.
  • Informer sur la gestion des données personnelles : RGPD ou pas, détailler ce qui est collecté, à quelles fins, et permettre le retrait à tout moment (cf. bonnes pratiques CNIL).

Un conseil utile : avant toute diffusion, posez-vous toujours la question “Ce contenu pourrait-il nuire, involontairement, à une personne ou à une communauté ? Les informations sont-elles suffisantes pour donner du sens et être comprises ?”.

Exemples concrets et inspirations du terrain

Les bonnes pratiques ne sont jamais le fruit d’une recette universelle, mais d’allers-retours entre terrain et réflexion collective. Quelques exemples inspirants :

  • France Assos Santé : Met systématiquement à jour un répertoire de sources fiables et forme ses bénévoles à la détection de fausses informations pour toute prise de parole publique ou communication digitale (france-assos-sante.org).
  • Association Le PSYCOM : A complètement repensé ses supports d’information pour lutter contre la stigmatisation en santé mentale. L’association privilégie ainsi les termes “personne vivant avec un trouble”, parle en “je” ou fait relire ses brochures par des personnes concernées (psycom.org).
  • Sidaction : Dans ses campagnes, Sidaction met l’accent sur la représentativité, diversifie ses visuels, fait valider ses scripts par un comité bénévole, et relit avec des juristes les témoignages à fort enjeu de confidentialité.

Ces démarches s’ancrent dans un même souci : poser à plat les processus, interroger ce qui peut produire involontairement des effets de bord, mais avancer, tester, et ne pas renoncer à communiquer, car la parole associative compte.

Vers une approche partagée et dynamique de l’éthique

La communication responsable, loin d’être une contrainte, est en réalité une formidable opportunité pour créer du lien, valoriser l’expertise associative et renforcer la démocratie en santé. Quelques pistes pour progresser collectivement :

  • Oser la co-construction avec les usagers et personnes concernées dès la conception des supports, pour garantir justesse et bientraitance.
  • S’appuyer sur des ressources externes : formations, outils d’autoévaluation, réseaux d’entraide entre associations (voir la SFSP, la Communication et promotion santé ou CLEMI pour la qualité de l’info éducative).
  • Se donner le droit à l’erreur, à condition de corriger vite, de dialoguer, d’assumer.
  • Accepter l’évolution des règles : ce qui est éthique aujourd’hui ne l’était pas toujours hier ; la société évolue, les associations aussi.

Questionner l’éthique de sa communication, c’est ouvrir la porte à des débats parfois complexes mais indispensables. Cela encourage l'apprentissage permanent, la transparence, le respect des diversités et la construction, pas à pas, d’une parole associative à la fois solide, utile et respectueuse.

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